Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – THE SLACKERS – Wasted Days (Hellcat Records/2001)

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE: Depuis plus de vingt ans, les Slackers, a force d’albums impeccables et de tournées incessantes a travers le monde sont devenus une référence de la scène Ska mondiale…

Le groupe naît à New York en 1991 autour du talentueux Clavier et Chanteur Vic Ruggiero… Ils jouent a l’époque un two-tone mêlé de garage rock et de quelques touches de Rocksteady. C’est rugueux, dynamique, mais loin des merveilles dont le groupe va se révéler capable. En 1996 alors que Dave Hillyard vient de quitter sa Californie natale et le groupe Hepcat pour les rejoindre, ils enregistrent, « Better Late Than Never », produit par Victor Rice qui définit les premiers contours de ce que sera le son des Slackers, proche des racines jamaïcaine, mais sous forte influence soul et blues. D’emblée le groupe en impose avec des titres comme « Sooner or Later » entraînant, « You Don’t Know I », ou « Sarah » encore souvent repris en live aujourd’hui… Ils signent alors chez Hellcat Records en plein boom punk et ska outre Atlantique.

« Redlight » sort en 1997, a peine un an après leur premier effort. Les titres « Cooking For Tommy », ska hommage puissant à Tommy Mc Cook, « Married Girl », « She Wants To Be Alone », premier essai très réussi d’auteur et de chanteur du trompettiste Jeremy Mushlin ou bien le somptueux reggae « Rude and Reckless » donnent le ton : ce groupe sera un des plus créatifs et talentueux de la scène ska US .

La sortie de « The Question », en 1998 salue l’arrivée de Glen Pine, transfuge du groupe de Boston Pressure Cooker et le passage d’un nouveau cap. La maturité est là et tout le monde participe à l’écriture. La livraison est monumentale : 19 titres, 19 tubes dont l’incontournable « Have The Time » qui conclue aujourd’hui la quasi-totalité de leurs Sets. Signalons aussi les titres « Mountain Side » superbe Mento qui révèle le potentiel du nouveau venu Glen Pine au Chant, « Motor City », bien nommé ska qui ronronne comme un V12 .

En 2000, ils sortent un « Live at Ernesto’s » petit resto Tex Mex de la bourgade Hollandaise de Sittard qui sonne comme un coup de poing dans l’abdomen… Seize de leurs meilleurs titres d’alors qui rendent parfaitement l’atmosphère de ce qu’est un set des Slackers : Maitrise technique, plaisir de jouer, sens du spectacle inné et proximité avec ses fans. Suit alors le fameux « Wasted Days » en 2001, dont la finesse des arrangements les sortira de la catégorie simple « groupe de ska »…

La suite de leur œuvre est pléthorique : « Close My Eyes » en 2003, un album collectif « Slackers and Friends »  avec les Congos, Cornell Campbell, Susan Cadogan, Doreen Shaffer et Chris Murray, une participation sur un album complet « Slackness » avec ce même Chris Murray, un album Live, toujours a l’Ernesto’s de Sittard, « Upsettin Ernesto’s » explosif avec Glen Adams et Susan Cadogan ou apparaît pour la première fois la reprise de Sam Cooke, « Cupid », que reprend magistralement Glen Pine. Et même un album 100% Dub, « An Afternoon in Dub » des plus réussis. Sans compter quelques EP et autres split…

TJ Scanlon le guitariste, Luis Zuluaga le batteur, ont pendant cette période quitté le groupe, Jay Nugent, naturellement, et Ara Babajian leur succèdent à partir de l’album « Peculiar » en 2006. Mark « Qmax » Lynn chanteur et choriste part sans être remplacé mais Glen Pine reprend le flambeau et partage le lead vocal à part égale avec Vic Ruggiero.

L’influence de ce changement de line up se fait fortement ressentir sur le son Slackers, mais les compos sont toujours aussi réussies. Avec pour la première fois une incursion purement soul, « Set The Girl Free » et une reprise de Dylan « I Shall Be Released » en version reggae trahissant le goût prononcé de Vic Ruggiero pour le folk qu’il exprime pleinement en solo. Le rythme des sorties ne faiblit pas, « Boss Harmony Sessions » en 2007, « Self Medication » en 2008, la compilation de raretés et de versions alternatives spécialement enregistrées pour l’occasion « Lost and found » en 2009, « The Great Rocksteady Swindle » en 2010, « The Radio » en 2011 composé essentiellement de reprises dont la curiosité « Like A Virgin » de Madonna en version reggae, et le tout dernier, « My Bed Is A Boat » (un EP), complètent cette époustouflante carrière discographique.

LE DISQUE: Evidement, composer un digne successeur à l’excellent « The Question » n’était pas une chose aisée. Le groupe fait le choix d’enrichir leurs nouveaux titres d’arrangements rappelant leurs racines blues, et même country, avec de nombreuses touches d’instruments rarement utilisés dans le ska: Violon, slide guitar, steel guitar font de « Wasted Days »  un album clairement « pas comme les autres ».

Après une brève intro d’un répondeur sur lequel une voix féminine annonce ce qui semble être une mauvaise nouvelle, l’album s’ouvre sur le morceau titre de l’album, « Wasted Days », qui parle comme souvent chez les Slackers, de regrets amoureux. Le rythme est lent, presque Nyahbinghi, percussions de Larry Mc Donald en avant et l’on comprend qu’on aura affaire à autre chose qu’un simple album de ska. « Henderson Swamp », vient confirmer la donne : Le reggae au rythme saccadé, presque mento, est relevé d’une belle ligne de cuivres et des notes additionnelles de stick guitar qui lui donne l’accent cajun.

Dès les premières notes de « Please Decide », on est projeté directement dans les années 50 avec un final survolté à la Blues Brothers. Le Reggae « Pets of the world » semble lui surgit d’outre tombe, reverb au max et dubbé par Glen Adams the Upsetter himself, et le son poisseux ferait passer « Ghost Town » pour une comptine. Vient alors « Dave’s friend », une de mes chansons préférée du groupe. Ska dénué de toute fioriture, accompagné tout du long de notes de pedal steel, ce titre possède une identité immédiate et incomparable, juste relevée d’un petit break de cuivres à mi-route qui accompagne ensuite le solo incroyable de cette guitare si particulière jusqu’en fin de titre. Pour moi l’exemple d’accord texte/musique parfait.

Et si « This Is The Night » qui lui succède est aujourd’hui un classique des Slackers, ce n’est pas pour rien : sur une rythmique early reggae implacable, relevée par l’hammond de Ruggiero, le refrain est simple et entêtant, et les cuivres omniprésents s’en donnent à cœur joie.

Leitmotiv des Slackers, l’amour et ses aléas : « Made Up My Mind » en est une preuve supplémentaire. Les arrangements de ce titre démontrent le savoir faire du groupe : Relévé d’accords de violon, de chœurs omniprésents et ponctué de magnifiques lignes de cuivre tout en retenue sur les refrains, on dirait qu’un hit de la Motown vient d’être adapté en Reggae.

Le « Sermon » de Q-Maxx appelant ses fidèles a croire en eux même vient clôturer cette première moitié d’album déjà intense, mais surtout lancer un autre classique des Slackers , « The Nurse »:  Ce ska des familles à l’intro « cavalière » est coupé en son milieu par un imposant solo de trombone et se termine en fanfare au sens propre du terme. Derrière, « Old Days » porte fortement l’empreinte de Dave Hillyard et de ce qu’il peut composer avec ses Rocksteady 7 : Au rythme lent des percussions, le sax d’Hillyard et le trombone de Pine semblent littéralement dialoguer !

« Midnight Rendez-vous » est composé et interprété par Glen Pine, sa voix en impose et elle deviendra incontournable pour le groupe à la suite de cet album… Un exemple de l’identité Slackers : On ne sait plus vraiment ici à quel type de musique on est exposé, c’est juste du Slackers (nappe de chœurs omniprésente, ligne de cuivres imparable et ce putain de tintement de bouteille entêtant tout le long du morceaux !).

« Tales of the Mongoose » qui suit, un reggae 100% instru encore dubbé par Glen Adams, fait la part belle au trombone de Glen Pine et au sax de Dave Hillyard. S’enchaînent alors deux ska des plus classiques à la sauce Slackers évidement, rythmique de claviers en avant pour « Easy », chœurs ténébreux et refrain parfaitement accompagné des cuivres, avec en prime une belle part du gâteau en fin de titre pour le solo de trombone, alors que sur « Walking On », les arrangements sont plus aériens, le chorus de cuivres tout en retenue, les refrains étant soulignés par quelques notes de guitare slide pour un résultat tout en finesse.

Après un petit intermède reggae chanté guitare/voix par une petite fille en guise de bonus caché, l’album se termine par une version rocksteady de « Dead or Alive » de Bon Jovi (il faillait oser !) et par le mélancolique reggae à la rythmique très 60’s « Information Error », tout drapé de l’hammond de Vic qui conclue en beauté le travail des New Yorkais.

Preuve d’un album hors du commun, « Wasted Days » sera encensé dans de nombreux magazines bien au-delà des spécialistes du genre. Plus qu’un excellent album de ska, il signent avec ce disque une petite pépite de musique pop dans le sens le plus noble du terme.

Bronsky

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