RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – DAVE HILLYARD & THE ROCKSTEADY 7 – Playtime (1999-Hellcat Records)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU(BEAUCOUP) D’HISTOIRE : On va vous parler aujourd’hui d’un véritable amoureux de la musique Jamaïcaine, d’un passionné comme on en croise peu. Natif de San Diego, David Hillyard s’initie à la musique à l’école et s’amourache du saxophone. Il découvre le ska avec la vague two-tone, aux sons de Madness ou The Beat, mais pendant que la majorité de la jeunesse américaine passe à autre chose, lui creuse vers les racines, celles des Skatalites ou de Desmond Dekker.
Il fonde en 86, avec quelques acolytes voulant en découdre avec la scène, The Donkey Show, qui sera un des moteurs de la vague « Third Wave » US. Un succès qui les dépassera quelque peu et les mènera au split.
On est en 1990, et, en plein milieu d’une évolution de la scène américaine vers un ska plutôt punk, il rejoint une formation qui, elle, a la ferme intention de se diriger vers un ska 100% roots, vers le rocksteady et le reggae des pionniers. Il participera ainsi aux grands débuts discographiques d’Hepcat sur ce premier et déjà génialissime « Out Of Nowhere ».
Il part pourtant alors vers New York rejoindre un autre groupe qui commence à faire parler de lui nommé « The Slackers », qui deviendra au fil des ans une des têtes de file de la scène mondiale. Non content de participer activement au succès international des Slackers, avec l’écriture d’un paquet de grands titres comme « Cooking For Tommy », « I Still Love You » ou « Face in My Crowd », « Disco Dave » a la plume et le sax qui le démangent.
Il réunit en studio en 1997, la crème de la crème de ses amis, avec notamment le Jamaïcain Larry Mac Donald aux percus, pour enregistrer un album de ses compositions, agrémenté d’adaptations de quelques titres jazz. Dave Hillyard & The Rocksteady Seven sont nés et « Playtime », leur premier album sort en 1999 chez Hellcat avec un beau succès à la clé. Malgré un emploi du temps de ministre avec les Slackers, insatiables de tournées et d’enregistrements, Dave Hillyard trouve le temps, à chacune des pauses avec les New-Yorkais, pour réunir sa formation, modulable, mais toujours 5 étoiles. Il nous propose des albums excellents comme « United Front » en 2002, « Friends And Ennemies » en 2013 ou encore le somptueux « California »… Il s’offre par ailleurs le luxe de tournées relativement régulières, aux US mais aussi en Europe, grâce à l’appui de quelques unes des plus fines gâchettes locales, comme Mr T-Bone, Nico Leonard ou Rolf Langsjoen.
Et comme le type est du genre « bath », je vous passerais la liste de ses très nombreuses participations généreuses sur un paquet d’albums partout à travers le monde.
LE DISQUE : A chaque fois que se profile le premier vendredi du mois, c’est la même chanson, avec l’hésitation qui vous reprend entre tout un tas de trucs qu’on a dans la tête depuis un bail… Et puis surgit d’un claquement de doigts l’incontournable auquel on ne pensait plus. Il faut dire que l’extraordinaire set fourni par Dave Hillyard et sa bande à Lille en janvier dernier, dont la bonne moitié des titres étaient tirés de ce « Playtime » qui date déjà de 1999, m’aurait bien vaguement influencé.
Dave Hillyard ouvre son bal des hommages aux musiques qu’il aime de manière pour le moins originale…Avec ce « Sydney’s March », délicieux jazz 50’s, il nous prend par surprise. Moins surprenant, la suite virera rapidement vers des intonations beaucoup plus Jamaïcaines
Car il y a sur ce skeud ni plus ni moins que quelques uns des plus beaux ska-jazz contemporains, à l’instar d’un « Hillyard Street », à la rythmique implacable relevée des diaboliques coups de congas du maître Larry Mac Donald… Entre les passages d’un chorus nickel chrome, chacun des cuivres y va de sa démonstration de virtuosité sans jamais virer à l’indigeste. Même recette sur « Ugly Man Blues » avec sa ligne de basse appuyée en intro et un magistral solo du guitariste David Hahn en cadeau bonus. Quand a « Skavez », qui prend des atours plus latino sous l’effet d’un piano virevoltant confié aux doigts experts de Vic Ruggiero et d’un air de cuivre gorgé de soleil, bien difficile de ne pas le ranger dans le tout haut du panier des ska de l’époque.
Rayon Reggae-rocksteady, pas grand-chose à jeter non plus. Même si « Playtime », entre son intro à la cool quasi nyabinghi et sa montée jazzy sur le chorus pourra paraître un peu trop planante a certains, la reprise du « Norwegian Wood » des Beatles, avec sa rythmique bien funky est tout bonnement un régal. Rien à redire non plus sur « Peace », une reprise assez libre du jazzman Idris Muhammad, qui nous offre un superbe reggae que les Rocksteady 7 emmènent, à coup de percus entêtantes et de solos majestueux, sur les traces d’un « Rockfort Rock »
On a aussi le droit à un bon boogie des familles, cuivré a souhait avec « Thursday Night Stomp », qui swingue comme pas deux avec son traditionnel lot de solos parfaits.
Et puis il y a l’OVNI « Father And Son », reprise d’un obscur titre jazz de Cal Massey, sur lequel c’est Eddie Ocampo à la batterie qui fait son festival : 5 minutes et 20 secondes d’un solo infernal, bien soutenu par le reste de la section rythmique sur lequel les vents viennent poser tour a tour des impros version haute voltige.
On finira cette tournée des grands ducs avec les bijoux que sont les deux chansons de l’album. Sur « The Fool », Alex Desert nous propose une bombe de ska du genre irrésistible, de celles qui renversent n’importe quel dancefloor, que Dave Hillyard reprend avec un malin plaisir que ce soit avec les R7 comme avec les Slackers. De son coté« Angry Lady », Greg Lee nous offre un rocksteady voluptueux, aux cuivres tout en retenue, nous laissant tout là-haut sur notre petit nuage.
En signant ce « Playtime » magistral, Dave Hillyard, parfaitement épaulé par le top du top des zicos de l’époque, se signale au monde entier comme étant bien plus que le sax des Slackers, mais bel et bien un des plus grands musiciens de notre époque.
A n’en pas douter, s’il avait été enregistré chez Federal ou Studio One dans les années 60, ce disque aurait une belle place dans les incontournables historiques de la musique Jamaïcaine… A défaut, il prend aujourd’hui la sienne, largement méritée, dans nos classics de Rude Boy Train.
Bronsky