Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – Dr. Ring-Ding & The Senior Allstars – Dandimite! (Grover Records/Pork Pie Records – 1995)

Dr. Ring-Ding & The Senior Allstars - Dandimite

“Rude Boy Train’s Classics”, c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois.

BEAUCOUP D’HISTOIRENé en 1970 à Münster en Allemagne, Richard Alexander Jung (ou Dr. Ring-Ding pour les intimes) apprend dès son enfance à jouer du trombone. Il se tourne rapidement vers la musique jamaïcaine, car féru et inconditionnel de ska two tone. Il apprend notamment à chanter et à toaster comme un vrai jamaïcain qu’il n’est pas.

Avant toute chose, j’imagine que vous connaissez tous d’où vient le pseudo musical de Richie, mais il convient tout de même de le rappeler pour celles et ceux qui ne seraient pas au courant. Richard a choisi Dr. Ring-Ding comme nom de scène en hommage au morceau du même nom de Roland Alphonso de 1965 (avec la belle voix de Rita Marley qui répond au téléphone au tout début). Et Roland Alphonso n’est pas le compositeur de ce morceau puisqu’il s’agit d’une reprise du morceau Twine Time de Alvin Cash & The Crawlers sorti un an auparavant. Voici donc la version originale suivie de la version de Roland Alphonso.

À l’âge de 17 ans le petit gars intègre la formation El Bosso und die Ping Pongs. Jouant un ska revival très péchu, le groupe sort deux albums sur le label Pork Pie Records, le premier éponyme en 1990 et le second intitulé Ich bin Touri l’année suivante. Les membres du groupe s’éloignent peu à peu et Richie décide le quitter en 1993. À titre personnel, je ne suis d’ailleurs pas foncièrement fan de ce qu’a fait ce groupe allemand, même s’il a sans aucun doute été une source d’inspiration pour beaucoup d’autres combos par la suite.

Entre temps, il a réuni autour de lui quelques musiciens talentueux en 1992 pour former Dr. Ring-Ding & The Senior Allstars. Se voulant plus proche d’un son et d’une musique en adéquation avec les racines de la Jamaïque, le groupe sort en 1994 un premier E.P. au format 7’’ intitulé Big Man Ska chez Grover Records. On retrouve sur cette galette quatre morceaux qui seront présents sur l’album dont on va parler (j’y reviendrai donc plus tard). Toujours est-il que cet E.P. laisse présager quelque chose de bon, de grand, de mythique.

Et c’est à peine un an plus tard que le groupe sort son premier album Dandimite! Grover Records sort l’album en CD et en vinyle et s’occupe de la distribution européenne tandis que Pork Pie Records sort uniquement une version CD et s’occupe de la distribution outre-Atlantique.

L’ALBUM : On n’avait pas trop l’habitude d’entendre un son bien traditionnel chez nous en Europe. Et là le doc est arrivé et a frappé fort, très fort. Un truc déjà démentiel à l’époque est que pas moins de 15 musiciens différents ont contribué à l’enregistrement de ce disque. Eh oui, The Senior Allstars, c’est deux bassistes, deux percussionnistes, un batteur, deux guitaristes, un joueur d’harmonica, trois claviéristes, trois saxophonistes et un trompettiste, avec en plus Richie qui fait office de chanteur, tromboniste et joueur de mélodica. Autant vous dire qu’avec autant de monde au Flying Toaster Studio de Münster, les mecs ont dû beaucoup se marrer pendant l’enregistrement de l’album. L’album a ensuite été masterisé dans les studios Maarweg à Cologne.

En guise d’introduction, on a droit à une conversation avec comme musique de fond le fameux Dr. Ring-Ding de Roland Alphonso. Dans cette conversation téléphonique, un mec appelle le doc qui décroche. Le mystérieux appelant laisse une dernière chance supplémentaire au Dr. Ring-Ding (le musicien) de jouer un ska dynamité à souhait.

Et c’est suite à ces belles paroles que Dandimite Ska, le morceau titre, arrive. Et là tu écoutes l’introduction et tu te dis que cet album fleure bon la tuerie absolue. Un ska instrumental de toute beauté qui sera par la suite le symbole de ce groupe. D’ailleurs pas mal de groupes le reprendront plus tard, comme l’excellent big band argentin Dancing Mood sur son mini-album On the Sunny Side of the Street sorti en 2009. Pourquoi un symbole ? Tout simplement parce que Dr. Ring-Ding & The Senior Allstars, c’est un son caractéristique et reconnaissable entre mille ! Et c’est un sacré boulet de ska que Richie nous a composé. Un thème ravageur qui te reste gravé dans la mémoire, des solos de saxophone, trombone puis re-saxophone de tueurs, et de nouveau le thème pour clore ce morceau de la plus belle des manières. Tu as terminé d’écouter ce premier morceau, tu te dis : « Wahou ! J’espère que tout l’album est du même calibre !! »

Avant de continuer cette chronique, je tiens quand même à dire qu’il y a bien un truc à reprocher à Dr. Ring-Ding. C’est une chose qu’il traîne depuis ses débuts, à savoir qu’il souffle vraiment trop fort dans son trombone. Alors OK pour les albums studio, on s’en fout un peu puisque le son est ensuite retravaillé par des ingénieurs qui connaissent très bien leur métier. Mais en concert, c’est flagrant, et si tu as le malheur de te retrouver devant lui et de l’enceinte à laquelle est relié le micro sur lequel joue le trombone, tu saignes presque des oreilles. Ceci dit, ça n’enlève rien à tout le talent qu’à ce mec. C’est un excellent tromboniste, et qui n’a aujourd’hui plus rien à prouver.

Puisqu’on est sur les morceaux instrumentaux, on va parler un peu des reprises des Skatalites présentes sur cet album. Au nombre de deux, on commence par Latin Goes Ska. Alors comme n’importe quelle reprise des Skatalites, ça n’arrive pas au niveau de l’originale. Néanmoins, j’apprécie énormément le jeu de la batterie ainsi que celui des bongos, congas et percussions jouées par Markus « Bongo Claat » Passlick. Bordel qu’est-ce que c’est bien exécuté. Ça sonne, ça groove et ça swingue. L’entrée du solo de trompette te secoue littéralement de ton siège et te donne une envie frénétique de skanker à l’endroit même où tu es en train d’écouter le morceau. Le solo de percussions est bien classe aussi, malgré un manque cruel d’originalité et de diversité. Bref une très bonne reprise des Skatalites ; on a d’ailleurs du mal à en trouver une meilleure depuis, c’est dire !
On continue avec Man in the Street (bon c’est plus précisément un titre signé Don Drummond, et pas des Skatalites). Ce titre est peut-être encore même un cran au-dessus du précédent. C’est exécuté à la perfection, et surtout ça se rapproche énormément du son et du style des Skatalites. C’est vraiment du beau travail, et les solos de trombone, de saxophones puis de trompette sont criants de talent, peut-être pas à couper le souffle il ne faut pas exagérer, mais en tout cas fort réussis.

Toujours proche des Skatalites, on peut citer Got My Boogaloo, une reprise de Jackie Mittoo & The Soul Brothers, un des rares morceau où le claviériste jamaïcain chante, pas grandement il faut bien l’avouer. Ici le doc colle sa voix. Bon je ne suis pas un grand amateur de la voix de Richie, c’est comme ça. Mais ça reste toujours mieux que Jackie Mittoo qui chante (difficile de faire pire en même temps !). Sinon l’orchestration est fidèle à l’originale, un peu trop sans doute pour qu’on s’attarde vraiment sur ce titre. Néanmoins le solo d’orgue hammond joué par Christian « The Sailor » Rathgen fait tout de même son petit effet, il assure le mec !

Une autre reprise est Stay Out Late. Ce morceau initialement intitulé Don’t Stay Out Late est chanté à l’origine par  Kentrick Patrick, un chanteur de calypso et de soca né en 1940 à San Fernando sur l’île de Trinité et Tobago. Là encore la voix du doc fait défaut je trouve, car il n’y a rien à redire au niveau de l’instrumentation qui l’accompagne.

Et puis il y a What a Day, une reprise du très bon Stranger Cole. Mon commentaire sera mot pour mot celui du précédent morceau. Je la trouve même limite plus décevante, tant sur le plan vocal que sur le plan instrumental. Ça sent le bâclé malheureusement, et c’est un titre qu’il aurait peut-être mieux valu ne pas intégrer à l’album…

Tout ça, c’est pour les reprises ska. Intéressons-nous maintenant aux compositions ska persos du groupe avec Big Man tout d’abord. Les textes sont gentillets, et on sent poindre l’autodérision de Richie par rapport à sa corpulence et sa taille plutôt imposantes. « Toutes les femmes veulent un homme grand et fort » qu’il dit le gaillard. Plutôt simpliste, ce morceau est plus drôle qu’incontournable.
On trouve ensuite le très bon Knockin’ on My Door. Composé par Dr. Ring-Ding, on sent réellement la différence lorsqu’un vrai chanteur pose sa voix, puisqu’il s’agit en l’occurrence du célébrissime Derrick Morgan. Là le résultat est de qualité, et c’est sans conteste le meilleur morceau vocal de l’album. Quelle voix, quel groove, quel talent ! Bref une belle réussite et surtout une magnifique collaboration.
Et puis il y a l’avant-dernier morceau de l’album qui porte le doux nom de Gloria. Sur une musique rythmée et entraînante, Richie déclare sa flamme à Gloria, une belle et radieuse jeune femme. C’est en quelque sorte un hymne à l’amour façon Dr. Ring-Ding, et moi ça me plaît pas mal. Et pour une fois, notre ami chante vraiment et donne de la voix, et là aussi ça s’en ressent. Il aurait dû s’appliquer de cette façon plus souvent lorsqu’il chante…

On continue avec du rocksteady, et une reprise de Justin Hinds, Save a Bread. Richie a eu la bonne idée (ou la mauvaise…) d’ajouter un second morceau de sa composition très dancehall Save a Toast. Et justement, le reggae toasté correspond bien mieux à son registre vocal. Le mec a ça dans le sang, et il nous procure un dancehall de qualité. Alors qu’à l’habitude je n’aime pas du tout ce style musical…
Il y a aussi One Scotch, One Bourbon, One Beer, sur lequel on ne peut qu’apprécier ces petits sauts joués aux claviers. C’est léger mais ça s’écoute vraiment bien. Après pour ce qui est des paroles, on passera notre chemin. Mais qu’importe puisque le morceau fait son petit effet, et c’est bien là l’essentiel.

Enfin on trouve un registre reggae/dub avec deux morceaux, l’un vocal et le second instrumental. Le premier s’intitule Rudeboy Style et fait l’apologie des grands noms de la musique jamaïcaine en les listant les uns après les autres. C’est une sorte de chanson hommage aux chanteurs les plus talentueux de la scène jamaïcaine. J’aime beaucoup le gros son de la caisse claire et de la grosse caisse. On bouge sa tête au rythme joué par la batterie, et les passages dub sont de bonne facture. On peut regretter cependant un morceau qui traîne en longueur : 5 minutes et 40 secondes, c’est long et ça finit malheureusement par tourner en rond. Quel dommage !
Le second Bellevue Asylum est tout simplement magnifique. La mélodie est lente, mélancolique mais tellement envoutante. Le thème est accompagné avec classe par un clavier omniprésent. Les solos de saxophone et de trombone sont simple mais d’une efficacité redoutable. L’interlude dub en plein milieu calme le jeu avant que le thème ne réapparaisse. Franchement, chapeau aux musiciens d’avoir pondu un joyau pareil !!

Et puis il y a deux ovnis sur cet album. Un morceau calypso (Want Me) Money Back chanté en patois jamaïcain. C’est rafraîchissant et le ukulélé joué par Götz Alsmann est très cool. En même temps, le ukulélé se marie à merveille avec ce style musical.
Et un morceau bonus sans titre style nyabinghi, vous savez cette musique utilisée par les rastas pour invoquer Jah et qu’on peut entendre au début du cultissime film Rockers sorti en 1978. On ne s’y attardera pas trop, et puis il est de toute façon assez court puisqu’il dure moins d’1 minute et 50 secondes.

Dr. Ring-Ding & The Senior Allstars - Dandimite (Moon Ska Records)

Le label américain Moon Ska Records a réédité l’album en 1997, en y ajoutant trois morceaux inédits. Le premier est Free Spirit, un chef d’œuvre. C’est une version dub de Bellevue Asylum entièrement jouée au mélodica (qui est par la suite rejoint par le trombone puis le reste de la section cuivre). C’est d’une beauté sans nom, et on peut admirer avec quel talent Dr. Ring-Ding manipule cet instrument.
Le deuxième morceau est un magnifique ska instrumental composé par Richie et titré Green Paper. Il y a tout ce qui fait un bon morceau de ska, malgré une mélodie un peu trop accessible et pas assez complexe. Les solos par contre eux le sont déjà plus, et les mecs envoient du petit bois !!
C’est là qu’est incontestablement l’intérêt de cette réédition, car le troisième et dernier morceau Top Notch Version est inintéressant à souhait. Ça reprend la rythmique et les chœurs de One Scotch, One Bourbon, One Beer mais sans le chant. Au lieu de cela on a le doc qui parle pendant tout le morceau, et pour dire des choses d’une futilité aussi profonde qu’un trou noir…

Quoi qu’il en soit, il y a vraiment du très bon, voire même du tube absolu dans cet album. Pour moi, c’est sans complexe que je peux affirmer qu’il s’agit de l’album de l’année 1995, loin devant le premier album du New York Ska-Jazz Ensemble ou encore l’album Grand Prix du Tokyo Ska Paradise Orchestra.

Du coup, je vous colle en écoute les morceaux que je préfère, même si je suis persuadé que cela est inutile puisque tous les lecteurs de cette chronique possède déjà Dandimite!

Maxime

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