Los Granadians Del Espacio Exterior – Reggalactico – Liquidator
UN PEU D’HISTOIRE : Comme son nom l’indique, Los Granadians Del Espacio Exterior est un groupe de Grenade en Espagne. Formé au début des années 2000 sous le nom de Psico Rude Boys, le groupe donne dans le skinhead reggae plus vintage tu meurs, avec les costumes qui vont avec. Rapidement, le groupe travaille avec Liquidator Music et publie rapidement ses premiers Ep, « N°2 In Inglaterra » en 2001, puis en 2003 « What It Take To Love Me » avec Derrick Morgan, et enfin « Feliz Navidad Con » la même année.
En 2004, ils s’attaquent à leur 1er album, «El Temperamental Sonido de Los Granadians », suivi en 2005 par un 7’’, « Peach Green Reggae » où ils servent de backing-band à Dave Barker. Et comme ils aiment bien les formats à la con, ils pondent un 10’’ en 2007 intitulé « Space Is Different ».
Pendant ce temps à Vera Cruz, ou plutôt à Granada, ils tournent, donnent des concerts, et jouent en live, et deviennent même des petites gloires aux Etats-Unis et au Mexique où on les trouve très rigolos.
Ils attendant 2009 pour sortir leur deuxième album, « Donde Ningún Hombre Ha Llegado Jamás », toujours fidèles à Liquidator, puis les Ep « New York City » en 2010, et « Por Mucho Que Pasen Los Años » en 2011, avant de retourner en studio avec des beaux habits pour enregistrer « Reggalactico », leur troisième opus sorti en mai 2012.
LE DISQUE : Au rayon comiques quand même, les Granadians se posent là. Parce que pour porter des sapes pareilles, il faut soit avoir perdu un pari, soit être un adepte de Raël, soit avoir un sacré sens de l’humour et du second degré. Mais ce qui est bien avec les Granadians, c’est que leur trip vintage à l’esthétique late 60’s qui semble tout droit sortie d’un certain film de Roger Vadim, participe d’une ambiance générale, avec une imagerie forte et très codifiée, qui ne se contente pas de proposer de la musique à son public fidèle. Los Granadians c’est un show, un trip où la moindre photo est habilement calibrée, où le titre est soigneusement choisi, où la typographie est parfaitement proportionnée et découpée, où les vêtements sont sélectionnés avec méticulosité, du col pelle à tarte aux écussons de carnaval. Sur la pochette, on croirait qu’une soucoupe volante avec des amazones extra-terrestres en chaleur va débarquer et emmener la troupe pour tourner un porno kitsch avec des poils sous les bras et des sous pulls en acrylique. Bref, un disque des Granadians ça s’admire comme un bel objet de collection, ça ne se télécharge pas à la sauvette !
Côté son, puisqu’il s’agit aussi de son, on reste dans le délire habituel du groupe, du pur skinhead reggae sidéral avec des pointes de rocksteady, du genre que Lee Scratch Perry aurait pu écouter s’il était allé en villégiature sur Krypton. Ça groove, ça ondule, ça gigote des cuissots, et dès l’entame avec « Problemas », on est mis dans l’ambiance, en mode plage/tong/cocktail/jeunes filles en fleur. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, « Reggalactico » n’est pas un disque monotone. On est par exemple moins dans la répétition que sur l’album de The Aggrotones paru il y a quelques mois. Sur « Escucha Tu Corazon », le sextet insiste sur le son de sax qui fait pouet dans une ambiance plutôt fun, alors que « Ultimo Amor », plus rocksteady, est aussi plus mélancolique, mais superbement écrite, renversante de simplicité, avec ce grattement de guitare délicat, ces chœurs irréprochables de finesse, et cette infinie boucle rythmique, adroitement ponctué par un saxophone jamais trop envahissant.
Sur « El Gallo Negro », on part dans des ambiances instrumentales à la Aggrolites/Bullets, toujours très rétro, très cinématographiques (on pense en vrac à Shaft, à OSS 117 et aux Charlots font l’Espagne), ça accélère un brin sur « Dimelo » et son sifflement de clavier qui va bien, avant de revenir à des valeurs sûres avec « R.E.G.G.A.E » et ses « choubidou bambam », classique mais diablement efficace.
Le disque se termine sur un « Los Chicos De Oro » qui a des faux airs de « Train to Skaville », avec une voix en retrait qui semble haranguer la foule, comme lorsque Coxsone Dodd descendait son sound-system dans les rues mal famées de Trenchtown.
Le tout est remarquablement produit, finement interprété (on sent bien qu’on n’a pas affaire à des débutants avec de l’acné plein la tronche), et on se dit que décidément, en matière de vieux reggae comme en matière de foot, les Espagnols ont vraiment plusieurs longueurs d’avance.
Vince