Rude Boy Train’s Classics – Rotterdam Ska-Jazz Foundation – Shake Your Foundation – (Grover records 2003)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (ENORMEMENT) D’HISTOIRE: Pas simple de présenter le Rotterdam Ska Jazz Foundation… d’abord parce que le groupe reste relativement discret, ne communiquant que très peu sur lui même et que son actualité, quelle soit discographique ou scénique, est pour le moins épisodique. Pourtant le groupe reste l’un des représentants incontournable d’un style musical essentiel dans son rapport à la musique jamaïcaine, j’ai nommé le ska-jazz !
En effet, au même titre que le New York Ska Jazz Ensemble, le combo batave reste l‘une des pierres angulaires d’un style musical qui se concentre autour de quelques groupes références. Il est vrai que le format souvent important de ces ensembles ne facilite pas son quotidien mais il est souvent source de qualité et d’excellence musicale notamment dans sa relation avec le jazz, musique exigeante s’il en est. Le RSJF, voit le jour au début des années 2000, et se compose de 9 musiciens issus de la scène pop, jazz et ska de la région de Rotterdam.
Le line-up évoluera assez peu pour une discographie assez maigre avec au final 5 albums en plus de 15 années d’existence presque tous chez Grover Records. Un premier LP (celui qui nous intéresse) en 2003 « Shake Your Foundation » suivi en 2004 par « Black Night – Bright Morning » puis l’excellent « Sunwalk » en 2005, « Motiv Loco » en 2007 et le dernier en date « Knock-Turn-All » chez WTF records en 2015.
Musicalement le RSJF fait la part belle aux cuivres en s’appuyant sur une section rythmique métronomique ! On y retrouve ce qui fait la spécificité du ska-jazz, les références à la musique jamaïcaine et les envolées lyriques propres aux chorus jazz avec la particularité d’une vision moderne de la chose, puisque le groupe n’hésite pas à intégrer dans sa musique des éléments rock, techno ou autres pour un résultat qui le rend assurément atypique et inclassable.
LE DISQUE: Comme évoqué ci-dessus « Shake Your Foundation » est le premier album des RSJF enregistré en 2003 et sorti chez Grover records. Ce qui frappe à l’écoute de cet album c’est la maturité qui se dégage du groupe à l’occasion d’un premier enregistrement. Il est clair que les musiciens hollandais s’imposent instantanément comme des musiciens hors pairs, aguerris à la pratique du contre temps et du jazz.
L’album démarre avec le standard des standards avec un « A Night in Tunisia » à faire pâlir de jalousie Dizzy Gillespie himself, avec une intro à la contrebasse en forme de clin d’œil à Charles Mingus… Le morceau, soutenu par une rythmique étourdissante et endiablée, nous offre parmi les plus beaux chorus du genre avec une véritable démonstration technique du saxophoniste ténor et du trompettiste ! « Dreyfus is Gone » est le premier des 7 titres originaux de l’album. Malgré son intro psychodub (j’ose), le ska reprend vite ses droits autour d’un sax baryton qui donne le tempo et vous renvoie aux grandes heures du mouvement 2-Tone.
Le titre suivant « Lonely Man » est un magnifique cover du tromboniste Ronald Wilson sorti chez Rio records en 1965. Morceau ska par excellence avec comme il se doit un chorus du tromboniste maison Arjen Bijleveld. « Pro Teba A.K.A Slaviska, composé par le saxophoniste Sybren Bijleveld, est probablement le titre le plus original de l’album avec ses sonorités klezmer dans un dialogue étourdissant où se répondent le sax soprano du compositeur et la trompette de Teus Nobel.
« Old Rocking Chair, morceau chanté, est bien évidemment un clin d’œil au grand Jackie Opel qui sortit ce titre chez Studio One en 1965. « The Sidewinder » est le second morceau, après « A Night in Tunisia », purement jazz de l’album. C’est une reprise fidèle de la version originale immortalisée par Lee Morgan en 1964 sur le label Blue Note. Soutenue par une rythmique sans faille qui met enfin en évidence la guitare de Jeroen van Tongeren, le saxophone ténor et la trompette rivalisent d’excellence pour un résultat qui donne la mesure du talent du groupe en matière d’improvisation.
Retour au ska avec « Snake Tie », morceau composé par le tromboniste Arjen Bijleveld, qui s’en donne à cœur joie dans un chorus époustouflant sur fond de groove obsédant ou s’illustre le Fender Rhodes de Hiddeous Wijga. « Road To Kingston » est le second morceau chanté de l’album. Interprété par Frank ‘D-Lite’ Diemel, le titre s’inscrit dans la plus pure des traditions du ska jamaïcain. Composition originale d’Henri Mancini pour la BO du film « Pink Panther » en 1964, « Shot In The Dark » fait suite à une reprise ska du même titre par Roland Alphonso sorti en 1965 chez Top Deck Records.La aussi, au delà des références et des clins d’œil explicite à la grande tradition des standards et artistes jamaicains, le groupe laisse libre cours à ses talents d’instrumentistes.
« Oublihorns », compo originale du second saxophoniste du groupe Frank van der Velden est peut-être le titre le moins bien ficelé du lot tout comme les deux derniers morceaux de l’album « Lonely Dub » et « Dubwinder », versions dub de « Lonely Man » et « Sidewinder » avec lesquels j’avoue avoir un peu de mal à accrocher.
Le moins que l’on puisse dire c’est que pour un premier album « Shake Your Foundation » est particulièrement convaincant et réussi. Seul petit bémol à mon sens, l’album aurait probablement gagné en efficacité (si tant est que ce soit possible) si le clavier et la guitare avaient pu s’exprimer plus largement au delà la part belle faite aux cuivres. Avec cet album le RSJF pose les jalons de ce qui fera son originalité et son succès pour un groupe qui fait depuis figure de leader d’un ska-jazz européen, courant musical à part entière.
Rudeboy.
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