Rude Boy Train

Akira Tatsumi (巽朗) – Keep on Blowin’ – Overheat Records

Akira Tatsumi – Keep on Blowin'

UN PEU D’HISTOIRE : Akira Tastumi est un saxophoniste japonais né à Tokyo. Depuis qu’il a commencé à jouer du saxophone, le jeune homme a toujours été attiré par les sonorités jamaïcaines. Il participe à l’intégralité de l’aventure de Determinations, le très bon groupe de ska trad. japonais. Ainsi il jouera le saxophone alto au côté de ses compères durant les 10 années d’existence du groupe de 1995 à 2005, et ils sortiront ensemble quatre albums : Ska Champion en 1996, Full of Determination en 2000, This is Determinations en 2001 et Chat Chat Determinations en 2002. Rappelons tout de même que le groupe a également enregistré un live de très bonne facture avec Mr. Prince Buster en personne sorti en 2003 chez Island Records sous le nom de Prince of Peace – Prince Buster with Determinations : Live in Japan. D’ailleurs je vous recommande chaudement d’écouter ce groupe si vous ne l’avez pas encore fait, car ça vaut vraiment le détour !
Depuis 2005, on n’avait plus aucune nouvelle ni de Determinations ni d’aucun de ses membres.

Et voilà qu’apparaît notre homme sur le devant de la scène, avec la sortie le 10 avril dernier de son premier album intitulé Keep on Blowin’.

L’ALBUM : Ça fait toujours plaisir de recevoir des nouveautés ska en provenance du pays du soleil levant. Et puis je faisais partie de ces personnes qui étaient vraiment chagrinées à l’idée de ne plus entendre ou avoir de nouvelles du groupe Determinations. Et voilà pas que j’apprends au détour de mes lectures sur la toile qu’un ancien membre du groupe sort un album. Forcément je m’y suis tout de suite intéressé. Et puis ma curiosité a été attisé par mon côté « fan de musique ska asiatique »…

Parlons tout d’abord de l’objet en lui-même. La pochette est déjà bien classe. J’ai toujours trouvé que les japonais savent à la fois mêler classe et style avec simplicité. Si on voit le musicien et son instrument sur la partie de face, la partie de dos quant à elle ne contient que les titres et l’instrument posé seul. Une chose fort appréciable est que quasiment tout est écrit dans notre alphabet et en anglais, facilitant ainsi la description des morceaux et des musiciens.

Mais rentrons tout de suite dans le vif du sujet. Huit titres tous instrumentaux, avec du bon et souvent même du très bon… Il est intéressant de noter que seuls deux titres parmi les 8 proposés ici ont été enregistrés au Japon avec des musiciens nippons (dans les studios Ductchmama et ceux d’Overheat). Ces deux morceaux ont donc naturellement une sonorité assez différente des sept autres, qui ont été enregistrés par des musiciens jamaïcains dans plusieurs studios jamaïcains à Kingston (Da Bootcamp, B-Rich Music Lab, My Favorite Room ou encore Stage Recordings).
On a donc affaire à un son moins rond d’un côté mais beaucoup plus jazzy de l’autre dans les studios japonais que dans les studios jamaïcains. Le premier  de ces deux morceaux s’intitule Stranger than Fiction. Seul cuivre, Akira Tatsumi et son sax alto ont donc la part belle. Le thème est bien interprété et est prenant. L’accompagnement est carré et millimétré et la contrebasse exécute parfaitement son rôle de rythmique ska (tout comme la batterie, la guitare et les claviers). Si le solo de sax est de bonne facture, je suis un peu plus perplexe en ce qui concerne celui de claviers qui me paraît fort basique et qui tourne rapidement en rond. Celui de guitare est très jazzy et colle parfaitement dans le décor.
Le second morceau enregistré dans les studios japonais est Theme of Mission Impossible (vous aviez pu en avoir un bon extrait dans un de nos précédents articles). Comme son nom l’indique, il s’agit ici d’une reprise du célèbre thème musical de la série télé éponyme et composé par le grandiose pianiste de jazz et compositeur Boris Claudio Schifrin, alisa Lalo Schifrin. Là encore c’est très jazz mais ça fonctionne terriblement bien. Le solo de sax arrache tout sur son passage (Akira joue d’ailleurs l’alto et le ténor sur ce morceau), et celui de claviers est d’un tout autre niveau que celui du précédent morceau que j’ai cité (c’est pourtant toujours le même mec derrière, à savoir Yukinori Yamaguchi). Bref musicalement et techniquement parlant, les japonais n’ont pas grand chose à apprendre de qui que ce soit…

Passons maintenant aux autres morceaux (ceux enregistrés dans des studios jamaïcains donc). On commence avec Just as Much as Ever. Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’une reprise d’un thème célèbre composé par Lawrence Coleman et rendu célèbre par des chanteurs comme Bob Beckham (rien à voir avec le footballeur) ou encore Nat King Cole. S’apparentant à un rocksteady, le morceau est calme et posé et se prête donc parfaitement à un premier titre d’un album (ça tombe bien puisque que c’est le présentement le cas). La batterie mixée façon dancehall/dub donne un côté sympathique mais que certains n’apprécieront guère dans un album de cette envergure. Uniquement un solo de saxophone alto dans ce morceau (point trop n’en faut pour démarrer). On appréciera également la fin du morceau où le thème est répété mais un demi-ton au-dessus par rapport au début (eh ouais, ce sont parfois ces petits détails qui tuent et qui vous font dire « C’est bizarre, c’est ultra simple comme procédé mais ça sonne vachement bien !! »). À noter que sur ce morceau tous les instruments, excepté le sax bien entendu, sont joués par Paul Henton, aka Computer Paul.
Lonely Explorer est un bon rocksteady typiquement jamaïcain. Là encore on n’a le droit qu’à un solo de saxophone. Pas grave, on s’en contente…
Vient ensuite Keep on Blowin’, le morceau éponyme de cet album. Si une petite balade version reggae vous botte, alors ce morceau est fait pour vous. Ce n’est personnellement pas ce que je préfère, je trouve que ça fait un peu trop lover à mon goût. Remarque, si vous invités une personne chez vous dans l’espoir de conquérir son cœur (ou tout autre chose), alors mettez ce morceau en fond sonore et vous partirez déjà avec un avantage certain. Le long solo de sax talonné par un court solo guitare font mouche tout de même.
D’ailleurs on trouve en dernière piste de ce CD une version dub sobrement intitulé Keep on DUBin’ mixée par Haldane “Danny” Brown. C’est dans la veine de ce qu’un Victor Rice peut faire, ou même encore de ce que le TSPO a pu faire à travers sa version « A Quick Rocket Dub » de Lover’s Walk sur l’E.P. A Quick Drunkard.
Carribean Breeze nous emmène dans une ambiance un peu particulière, un peu comme si le Far East Band qui accompagne Gentleman sortait un boulet de ska instrumental. C’est déroutant mais d’une efficacité redoutable.
Mais le must de cet album reste sans conteste la collaboration d’Akira Tatsumi avec le feu légendaire guitariste de l’île de la Trinité Lynn Taitt (qui repose en paix suite à une lutte face au cancer finalement perdue le 20 janvier 2010). Les deux hommes ont collaboré et composé le morceau Under the Cherry Blossom, un vrai chef d’œuvre de rocksteady. On se croit littéralement revenu 45 ans en arrière à la grande époque. Et pour une fois Akira laisse un autre musicien que lui-même s’exprimer.

Parce que s’il est bien un défaut notable de cet album, c’est l’omniprésence d’Akira et de son saxophone sur tous les morceaux qu’il a tendance à accaparer. Cela me fait penser un peu à David Hillyard & The Rocksteady 7 où là aussi tout tourne autour du saxophoniste californien qui a tendance à faire des solos à rallonge. Bien que ce ne soit pas le cas ici avec l’ami Akira, il serait de bonne augure qu’il laisse un peu (plus) de place aux musiciens qui l’accompagnent sur ses prochains disques. Cela arrivera peut-être quand il sera entouré vraiment d’un groupe solide avec lequel il pourra enregistrer un album complet.
On pourra également reprocher à Akira d’avoir été un peu fainéant en ne sortant un album composé que de huit titres (dont un remix dub) pour un total de 37 minutes, ce qui est finalement peu.

Cet album n’est donc pas exempt de tous défauts, mais il permet de montrer qu’Akira Tatsumi est capable de faire quelque chose de plus que correct, et ce même sans ses copains de Determinations. Il nous tarde tout de même de voir les futures productions du gaillard. Et ne vous inquiétez pas, on se fera une joie et un plaisir de relayer les infos qu’on aura à son sujet sur notre blog.
Et pour terminer en beauté, je vous propose d’écouter deux titres dudit album, à savoir Stranger than Fiction et Under the Cherry Blossom.

Maxime

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