Rude Boy Train

Baked a la Ska – Gas Mark 3 (The Slow Burner) – Limefield Records

Baked a la Ska – Gas Mark 3 (The Slow Burner)

UN PEU D’HISTOIRE : Tout se passe du côté de Manchester en Angleterre. Plus connu pour son histoire footballistique que musicale, la ville a pourtant vu se former une bande de 11 joyeux lurons nommée Baked a la Ska. Un premier album éponyme pointe le bout de son nez en 2009. Encore perfectible, il est tout de même de bon augure pour la suite et compte quelques belles surprises comme la reprise du célèbre Intergalagtic des Beastie Boys par exemple. Le groupe remet le couvert trois ans plus tard avec Just Desserts. Dans la même veine que le précédent opus, il se veut plus abouti que celui-ci.
Fort de ce succès grandissant Outre-Manche, le combo sortira le 15 juin prochain son troisième album intitulé Gas Mark 3 (The Slow Burner).

LE DISQUE : Vu la qualité du précédent album, on était en droit d’attendre quelque chose de très bon sur ce disque… eh bah figurez-vous que c’est le cas ! Tu en as pour tous les styles, et surtout les mecs ont fait des efforts puisque 8 titres sur les 11 sont des compositions originales. Ce qui frappe surtout, c’est le goût prononcé des différents musiciens pour des instruments plutôt exotiques dans la vie musicale qui rythme Rude Boy Train. Je pense par exemple aux cloches tubulaires, à la guitare baryton, aux claves, à la guitare lap steel, au piano jouet et quelques autres dont je vais vous parler tout au long de cet article. C’est donc un florilège d’instruments auquel on a le droit !

On va donc commencer par les trois reprises tant qu’à faire. La première est Living on the Ceiling. Hein, tu ne connais pas ? Moi non plus à vrai dire… Il s’agit en fait d’un titre du groupe de synthpop britannique des années 80 Blancmange. Ici, point de pop ni d’électronique dans tous les sens, mais un mélange entre un son two-tone et klezmer (pas courant vous me direz). Bon OK, ce n’est pas aussi classe que du vrai klezmer façon Giora Feidman, mais la clarinette joue ici parfaitement son rôle et ça sonne franchement bien.
Dans la lignée des covers, on enchaîne avec Oompa Loompa. Vous connaissez tous le film Charlie et la Chocolaterie de Tim Burton sorti en 2005, et vous savez également qu’il est tiré du livre du même nom paru en 1964. Eh bah ce titre n’est pas issu de la BO du film de Burton, mais du film musical Willy Wonka & the Chocolate Factory sorti en 1971. La version des Baked a la Ska ne révolutionne pas le genre mais reste plutôt fidèle à l’univers de la version originale, et on peut surtout y entendre une clarinette basse et un solo de tuba.
On termine ce petit tour des reprises avec Iron Man, grand standard de heavy-métal d’un des groupes fondateurs du genre, j’ai nommé Black Sabbath. Pas facile de s’attaquer à un tel monument. Le groupe a décidé de se la jouer reggae roots, et ça envoie du petit bois comme on dit. Le chant est soigné, la rythmique également et c’est le moment de découvrir le saxophone basse si tu ne connais pas. Un instrument qui se fait discret dans le paysage musical, qui plus est dans le milieu de la musique jamaïcaine, et qui est ici merveilleusement amené, ayant même droit à un solo simple mais redoutablement efficace. Une vraie réussite !

On continue avec les compos originales du groupe. Et là, force est de constater qu’il y en a pour tous les goûts. Tous les styles musicaux ou presque y passent. Ça démarre à deux cents à l’heure avec Chasing Ghosts, un ska instrumental survitaminé. L’ambiance est à la fois sombre et élégante (si si je vous assure !). Placé en numéro 1, le titre donne tout simplement envie d’écouter la suite de la galette.
Toujours sur la planète ska instrumental, on trouve Sputnik. Ici, tu as droit au moog bass, une sorte de synthétiseur. Mais tu peux aussi entendre un stylophone, instrument où tu joues du stylo sur une bande magnétique pour produire du son (un truc de ouf quand t’y penses). Et pour couronner le tout, tu trouves également de l’animoog, un mélange entre synthétiseur et oscilloscope. Je vous assure que j’aurai découvert un tas d’instruments farfelus et tombés en désuétude au travers de ce disque. Il n’en reste pas moins que le morceau est excellent. Ce côté électronique fort prononcé colle parfaitement à la musique pratiquée par le groupe, et notamment au costaud solo de sax tenor. Un peu farfelu mais vraiment prenant après plusieurs écoute.
Mais rassurez-vous, il y a également un morceau de ska trad’, et plutôt réussi d’ailleurs. Everything but Love nous ramène 50 ans en arrière, avec son sax baryton et ses notes de piano bondissantes. Pour trancher avec le côté trop traditionnel, un solo de thérémine apparaît au beau milieu du morceau ; vous savez, cet instrument qui est l’équivalent russe des ondes Martenot, qui produit du son sans qu’on le touche juste par le mouvement des bras et qui est un des plus anciens instruments électroniques. C’est chouette, et ça swingue comme dirait Frank the Skank au chant.
Toujours dans la veine ska, on trouve Why D’Ya have to Call?. Beaucoup plus calme que les autres morceaux du même genre, la petite guitare acoustique nous gratifie d’une intro à la Georges Brassens. On ne s’attardera pas forcément sur ce titre qui n’a rien de bien original à proposer.

Pour les amateurs de rocksteady, on a tout d’abord Time. Un petit morceau bien gaulé qui fait mouche dès la première écoute. Ce sont là trois minutes de plaisir pur !
On a enfin Moon and Back. Un gros rocksteady de lover qui clôture le disque de la plus belle des façons qui soit. Les petits fonds sonores prodigués par le trombone et les cuivres en général se mêlent à merveille au chant de Bulldog Morel. Même le petit passage toasté vers la fin ne dénature pas, bien que je ne sois pas un grand fan de cette manière de chanter.

Et si tu aimes le calypso, et bien tu peux également en entendre avec le morceau Manchester (King Cotton). Tu te poses sur ton canapé, tu sirotes ta boisson préférée et tu apprécies ce son caribéen, avec une contrebasse au poil et un clavier aux oignons. Et ce n’est pas l’excellent solo de sax baryton qui va venir ajouter une ombre à ce titre sans fausses notes !

Mais si vous avez suivi, vous aurez sans doute remarqué qu’il manque un morceau au compteur. Il est vrai que j’ai gardé la pépite du disque pour la fin. Si tu es un admirateur de Mike Patton et que tu as adoré ses débuts dans Mr. Bungle comme c’est mon cas, alors tu ne pourras que te réjouir à l’écoute de Ya Mama. Ça démarre avec une petite mélodie jouée à la boîte à musique, façon comptine pour enfant que ma fille de 22 mois redemande sans cesse. Et c’est là que toute la magie opère. Tu ne t’attends pas à ce qu’un passage hip-hop puis un autre façon king of pop s’enchaînent, avec une aisance incroyable au chant de la part de Tommy Robot. L’esprit des débuts de Mr. Bungle et bel et bien là, et ce n’est pas le refrain à la sauce ska qui va me contredire. On est ici plus proche de la musique expérimentale que de la musique traditionnelle, mais quand c’est beau ça a tout naturellement sa place chez nous !

En conclusion, ce disque est d’une qualité certaine, et je ne me lasse pas de l’écouter en boucle dans ma voiture. Les 11 mancuniens ont frappé fort, très fort même. On pourra toujours reprocher le côté fourre-tout de l’album, avec beaucoup de styles abordés et la pléthore d’instrument employés. Il n’empêche que c’est à chaque fois juste et propre, et que les trois chanteurs se répartissent méthodiquement les 11 titres. Juste un grand bravo…
Que dire de plus si ce n’est que je ne peux que vous encourager à sauter sur ce disque lors de sa sortie (et je suis loin de dire ça de tous les albums que j’écoute), surtout que vous savez depuis mardi dernier qu’il est en précommande sur le site officiel du groupe.

Maxime

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