Tokyo Ska Paradise Orchestra — Ska Me Forever — Cutting Edge
UN PEU D’HISTOIRE : Cette année, le TSPO s’est montré très prolifique en terme de sorties en tous genres, comme à son habitude d’ailleurs. Après avoir sorti trois EP entre décembre 2013 et juillet 2014, ainsi qu’un bouquin muni d’un CD trois titres, le groupe nippon a terminé cet été avec la sortie de son nouvel album. Baptisé « Ska Me Forever », il est sorti le 13 août dernier et nous nous excusons par avance de ne vous en parler que maintenant !
L’ALBUM : Sorti en diverses éditions, 1 CD, 2 CD, 2 CD + 1 DVD et 1 T-Shirt, nous allons nous concentrer ici sur la musique, et avons donc choisi de parler de l’édition double CD.
Attaquons tout de suite avec la deuxième galette puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que des morceaux live préférés de chacun des musiciens, le tout annoncé façon émission de radio avec le batteur Kin-Ichi Motegi aux manettes. Le nom donné à ce disque est Justa Radio “25th Anniversary Hall Tour 2014 [Ska Me Crazy]”. Ne parlant guère le Japonais, je ne pourrai malheureusement pas vous traduire les anecdotes en tous genres dont les membres font référence avant chaque morceau. Ce qui est sûr, c’est que les mecs se marrent bien lorsqu’ils parlent !
Côté musique, on a quasiment droit à des morceaux qu’on n’a peu ou pas entendus dans leurs précédents lives (que ce soit en CD ou en DVD). Mekureta Orange reste cependant présent, comme morceau préféré de Yanaka Atsushi (sax. baryton). S’il y a de très bonnes versions qui arrachent tout sur leur passage, comme One Night, I Beeped When I Shoulda Bopped « あんたに夢中 », ou encore Mekureta Orange justement, on retrouve vite le défaut majeur du TSPO en live, à savoir le chant. Il va vraiment falloir que les mecs se mettent sérieusement à recruter une chanteuse ou un chanteur digne de ce nom à temps plein, car ça en devient parfois risible et pitoyable. Si vous ne me croyez pas, écouter la version live de You’ll Never Walk Alone… une catastrophe !! Sans déconner, même le pékin du coin chante mieux que Gamo sur ce morceau, ça en pique même les oreilles tellement c’est affligeant. Et les autres morceaux chantés ne sont pas vraiment d’un meilleur acabit. C’est vraiment dommage car les mélodies sont pour certaines plutôt bien trouvées, mais tellement mal interprétées… À noter la présence sur ce live de Manatsu no Tegami ~Letter in Summer~, morceau tiré de l’album Gospel du pianiste/claviériste Oki Yuichi. Pas ska pour un sou, mais une sorte de balade romantico-dramatique, il en résulte quelque chose de fort agréable à écouter.
Mais passons maintenant au nouvel album à proprement parlé. Avec 13 titres au compteur, il se situe dans la norme de ce que sort le groupe habituellement. L’album démarre sur les chapeaux de roue avec une nouvelle version du premier titre du premier mini-album éponyme du groupe sortie en 1989, à savoir ペドラーズ 2014 (Pedorazu 2014). Là tu l’écoutes, tu te dis que les mecs se la jouent clairement moins ska qu’il y a 25 ans, mais que l’énergie a décuplé et que ça déménage (dans le bon sens du terme). C’est propre, léché, raffiné, etc. Du coup, on est en droit de se dire que tout commence bien et que l’album va donc être une sacrée pépite.
Malheureusement, la réalité nous rattrape vite et on se rend compte que les Tokyoïtes font parfois des morceaux vraiment en-dessous de ce qu’ils peuvent et savent produire. Là encore c’est parce que le chant pêche et fait défaut. C’est notamment clairement le cas sur les titres For the Goal et Sunny Blues 7inch.…
Une fois ces deux morceaux calamiteux passés, on trouve tout de même des morceaux chantés qui s’en sortent plutôt pas mal. Le rocksteady チャンス (Chance) en est de ceux-là. Avec une précision millimétrée, et une trompette placée seule juste là où il faut quand il faut, le résultat est probant. On pourra regretter néanmoins l’accélération ska en plein milieu, alors qu’on lui préfèrera grandement le retour au rocksteady avec un piano, une trompette et un sax. ténor mis à l’honneur. Après, on trouve également One Way Punk, un morceau carrément influencé par les Clash. C’est correct mais sans être transcendant.
Sur cet album, on retrouve également les titres phares des trois EP sortis précédemment. On en a déjà parlé assez longuement donc je ne m’y attarde, mais si mon petit chouchou des trois est sans conteste 閃光 (Senko). Toujours parmi les morceaux mi-figue mi-raisin, on peut citer Damned en collaboration avec Fantastic Plastic Machine, un DJ ami de longue date du groupe (d’ailleurs allez tendre une oreille à ses albums solos, ça s’écoute relativement bien). Sorte d’ovni musical de l’album, on appréciera tout de même ce mélange entre funk et rock, le tout remixé avec classe par le petit DJ nippon.
Et puis il y a tout de même des morceaux qui sortent du lot et qui montrent que oui, cet album est bel et bien signé par le TSPO, le grand groupe que l’on connaît et que l’on aime. Évidemment, le TSPO reste avant-tout un groupe de ska, et il lui fallait donc un pur ska trad comme seuls les neuf mecs savent le faire. Et c’est donc là qu’arrive Horizon. C’est propre, carré, limite envoutant notamment quand le solo de piano fait son apparition. La petite rythmique dub en fin de morceau est fort appréciable.
On enchaîne ensuite avec 歓喜の歌(交響曲第九番) (Ode to Joy (Ninth Symphony)). Tout les lecteurs de Rude Boy Train ont forcément déjà entendu ce morceau issu de la neuvième symphony de Ludwig von Beethoven. Alors OK c’est osé de reprendre un chef d’œuvre de la musique romantique. Je vous concède également que cette version ska est clairement moins poignante que l’originale. Elle ne vous hérissera sans doute pas les poils, mais elle n’en reste pas moins d’excellente facture. Les solos de trombone et de mélodica sont courts, mais sacrément bien joués. Oki Yuichi montre ses talents de pianiste, et nous rappelle qu’il excelle aussi dans la musique classique. Et pour clôturer le tout, tu te retrouves à entendre neuf japonais chanter à tue-tête le poème de Schiller en Allemand. Le pire c’est qu’ils le font bien. Bref une excellente reprise comme les nippons savent le faire.
Deuxième meilleur morceau de l’album selon moi, Tennessee Waltz est un ska trad fort sympathique à écouter, où la part belle est faite au claviériste puisqu’il a doit au thème principal, aux solos, et à une fin où on n’entend que lui. En gros, tu l’écoutes lui tout seul, et tu te dis : « OK, je range mon clavier et j’arrête d’en jouer tellement ce mec est surpuissant. » Je reste également toujours friand et fan de ces petites touches de güiro qu’apporte le percussionniste.
Mais la pépite de cet album est sans aucun conteste la reprise de la plus célèbre des chansons de Frankie Valli, j’ai nommé Can’t Take My Eyes Off of You (-Kun no Hitomi ni Koishi Teru-). Ça commence avec une intro tonitruante. Ensuite tu as droit à un premier couplet joué par la guitare puis par la section cuivre. Là tu sais qu’il s’agit d’une version instrumentale et tu sais que tu es sauvé. Et là arrive le refrain, une petite bombe musicale. Le second couplet est interprété par la trompette avec des petits jeux sympas du trombone. Finalement on a droit à un seul solo sur ce morceau, celui de piano. Mais qu’importe, cela rappelle que les solos ne font pas tout. D’ailleurs vous pouvez voir à quoi ressemble le tube de cet album, si vous ne l’avez pas déjà écouté depuis sa parution.
Ah et vous n’êtes pas sans savoir que le TSPO a une forte communauté de fans en Amérique Centrale et du Sud, notamment au Mexique. Le groupe a fait pas mal de grands concerts là-bas ces dernières années. Pour les remercier de leur soutien toujours plus grandissant, les neuf musiciens ont décidé de rajouter un morceau sur l’édition mexicaine de l’album, en l’occurrence Eres, une reprise du groupe de rock Café Tacvba. Dans un style clairement dub, le sax. baryton est ici à l’honneur. Sans révolutionner le genre, le titre est sympa et colle plutôt bien avec l’ambiance calme mais inquiétante du morceau d’origine. Mais ne soyons pas jaloux et ne nous plaignons pas après tout, puisqu’il ne faudrait pas oublier que les français Jacques Offenbach et Édith Piaf ont eu droit également à leur reprise par le TSPO…
En conclusion, si cet album se veut dans sa lignée des précédent opus du groupe, à savoir quelque chose de clairement éclectique, il n’en demeure pas moins qu’il y a beaucoup trop de déchets pour en faire un album incontournable du moment. C’est tout ou rien, on a soit des morceaux d’une pauvreté navrante, soit des joyaux plus étincelants les uns que les autres. Mais bon, je n’ai encore jamais trouvé un album d’aucun groupe que ce soit où tous les morceaux sont d’excellentes factures. Quoi qu’il en soit, les fans inconditionnels du groupe se doivent néanmoins d’acheter le disque, et de l’écouter avec attention et minutie et en faisant le tri, au risque de passer à côté de quelques perles musicales.
Maxime