RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE SLACKERS – Redlight (Hellcat Records/1997)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : Depuis plus de vingt ans, THE SLACKERS, à force d’albums impeccables et de tournées incessantes à travers le monde est devenu une référence de la scène ska mondiale…
Le groupe naît à New York en 1991 autour du talentueux clavier et chanteur Vic Ruggiero… Ils jouent à l’époque un two-tone mêlé de garage rock et de quelques touches de rocksteady. C’est rugueux, dynamique, mais loin des merveilles dont le groupe va se révéler capable. En 1996 alors que Dave Hillyard vient de quitter sa Californie natale et le groupe Hepcat pour les rejoindre, ils enregistrent, « Better Late Than Never », produit par Victor Rice, qui définit les premiers contours de ce que sera le son des Slackers, proche des racines jamaïcaine, mais sous forte influence soul et blues. D’emblée le groupe en impose avec des titres comme « Sooner or Later », entraînant, « You Don’t Know I », ou « Sarah » encore souvent repris en live aujourd’hui. Ils signent alors chez Hellcat Records en plein boum punk et ska outre Atlantique.
« Redlight » sort en 1997, à peine un an après leur premier effort. Les titres « Cooking For Tommy », hommage puissant à Tommy Mc Cook, « Married Girl », « She Wants To Be Alone », premier essai très réussi d’auteur et de chanteur du trompettiste Jeremy Mushlin, ou bien le somptueux reggae « Rude and Reckless » donnent le ton : ce groupe sera un des plus créatifs et talentueux de la scène ska US .
La sortie de « The Question », en 1998 salue l’arrivée de Glen Pine, transfuge du groupe de Boston Pressure Cooker et le passage d’un nouveau cap. La maturité est là et tout le monde participe à l’écriture. La livraison est monumentale : 19 titres, 19 tubes dont l’incontournable « Have The Time » qui conclue aujourd’hui la quasi-totalité de leurs sets. Signalons aussi les titres « Mountain Side » superbe mento qui révèle le potentiel du nouveau venu Glen Pine au Chant, « Motor City », bien nommé ska qui ronronne comme un V12 .
En 2000, ils sortent un « Live at Ernesto’s », petit resto Tex Mex de la bourgade Hollandaise de Sittard qui sonne comme un coup de poing dans l’abdomen… Seize de leurs meilleurs titres d’alors qui rendent parfaitement l’atmosphère de ce qu’est un set des Slackers : maîtrise technique, plaisir de jouer, sens du spectacle inné et proximité avec ses fans. Suit alors le fameux « Wasted Days » en 2001, dont la finesse des arrangements les sortira de la catégorie simple « groupe de ska »…
La suite de leur œuvre est pléthorique : « Close My Eyes » en 2003, un album collectif « Slackers and Friends » avec les Congos, Cornell Campbell, Susan Cadogan, Doreen Shaffer et Chris Murray, une participation sur un album complet « Slackness » avec ce même Chris Murray, un album Live, toujours à l’Ernesto’s de Sittard, (« Upsettin Ernesto’s ») explosif avec Glen Adams et Susan Cadogan ou apparaît pour la première fois la reprise de Sam Cooke, « Cupid », que reprend magistralement Glen Pine. Et même un album 100% Dub, « An Afternoon in Dub » des plus réussis. Sans compter quelques EP et autres spli et même un « Slack In Japan », troisième album live du groupe.
TJ Scanlon le guitariste, Luis Zuluaga le batteur, ont pendant cette période quitté le groupe, Jay Nugent, naturellement, et Ara Babajian leur succèdent à partir de l’album « Peculiar » en 2006. Mark « Qmax » Lynn chanteur et choriste part sans être remplacé mais Glen Pine reprend le flambeau et partage le lead vocal à part égale avec Vic Ruggiero.
L’influence de ce changement de line up se fait fortement ressentir sur le son Slackers, mais les compos sont toujours aussi réussies. Avec pour la première fois une incursion purement soul, « Set The Girl Free » et une reprise de Dylan « I Shall Be Released » en version reggae trahissant le goût prononcé de Vic Ruggiero pour le folk qu’il exprime pleinement en solo. Le rythme des sorties ne faiblit pas, « Boss Harmony Sessions » en 2007, « Self Medication » en 2008, la compilation de raretés et de versions alternatives spécialement enregistrées pour l’occasion « Lost and found » en 2009, « The Great Rocksteady Swindle » en 2010, « The Radio » en 2011 composé essentiellement de reprises dont la curiosité « Like A Virgin » de Madonna en version reggae, et le tout dernier, « My Bed Is A Boat » (un EP), complètent cette époustouflante carrière discographique.
Pas de nouveaux enregistrements depuis 2013 certes, mais la bande de New York est de retour en Europe cet automne, et comme d’habitude ça va le faire bien comme il faut.
LE DISQUE : Voilà un disque qui fit entrer le ska chez Hellcat, donc un peu chez Epitaph. En 97, le ska est à la mode, et le groupe de New-York, comme ses acolytes de Washington The Pietasters, seront accueillis à bras ouverts par l’ami Tim Armstrong, tout content qu’il était avec son nouveau joujou.
Et la qualité est au rendez-vous. Fichtrement, bigrement, indubitablement. Quelques-uns des plus fameux titres du groupe sont posés sur cette galette. D’abord « Cooking For Tommy », en hommage à la légende Tommy Mc Cook (sax des Skatalites), un instru qui démarre le disque en fanfare avec sa belle section cuivres. A cette époque, Jérémy Mushlin était encore à la trompette.
Ensuite « I Still Love You », parce que Vic Ruggiero a beau s’accoquiner avec les balèzes de Rancid ou de Transplants, il a toujours aimé écrire des chansons de lover avec sa voix de crooner. Et bien sûr le titre que le groupe à joué à chaque fois que je les ai vus : « Married Girl », devenu un standard parmi les standards. Le début un peu jazzy un peu cha-cha avec une voix de fumeur qui tue, puis le contretemps qui invite à la danse et le refrain groovy se pointent. Dieu que c’est beau. Rien que pour ce triptyque le disque est indispensable.
Le reste est d’excellent niveau, de la très calme et atypique « Soldier », à « Fried Chicken/Mary Mary » qui a repris pas mal d’allure sur scène ces dernières années depuis qu’elle est chantée avec classe par l’incontournable tromboniste Glen Pine.
Un reprise reggae ultra classieuse de « Tin Tin Deo » d’après Dizzie Gillespie, excusez du peu, que le groupe interprète avec toute sa finesse habituelle. Et pour clore avec brio ce deuxième album, un petit « Come Back Baby » à la Bob Dylan. Ruggiero, une guitare, et on imagine une plage en été… Mais pas d’inquiétude, Vic Ruggiero est à Julien Doré ce que Nathalie Portman est à Loana.
Un album qui trimballe une sacrée foutue ambiance. Comme souvent, on imagine le groupe sur la minuscule scène d’un club de jazz de la 5e Avenue, du côté de la Harlem River. Et surtout, on remercie Hellcat Records, bastion du punk-rock made in USA, d’avoir décidé que ceux-là, avec leur costumes élimés et leurs cravates de travers, valaient mieux que pas mal de crêteux dans leurs perfectos cloutés.
Vince (bio par Bronsky)