Rude Boy Train

65 MINES STREET – Sick & Bitchin’ – Casual Records/autoprod

Sick & Bitchin' cover artUN PEU D’HISTOIRE : On ne présente plus 65 MINES STREET, l’un des groupes de ska les plus intéressants de l’Hexagone. Un premier album éponyme en 2010, suivi par un second, « Fix The Clock », en 2013. Des tas de concerts ici ou là, entre des sessions avec Two Tone Club ou avec Bobby Sixkiller dont certains musiciens sont issus, et un présence régulière sur scène derrière un certain Roy Ellis, quand même. 

En 2014, le quintet annonce qu’il met les bouchées doubles pour son troisième opus et qu’il part presque un mois enregistrer à Los Angeles avec Brian Dixon (Western Standard Time, The Volcanos, Aggrolites…) aux manettes. Il en profite aussi pour tourner un clip sur place après avoir recueilli des fonds via une campagne KissKissBankBank.

Fin septembre, le disque arrive à l’occasion d’une release party à Audincourt où le groupe invite Roy Ellis, avant de repartir à l’assaut des scènes de France et d’ailleurs.

LE DISQUE : Ça fait un moment qu’on en parle de ce troisième album de 65 MINES STREET. En fait depuis qu’on a appris que les cinq gars de l’est allaient enregistrer à Los Angeles avec un vrai producteur en la personne de Brian Dixon, le genre de gars capable de les aider à passer un cap.

L’objet est donc dans ma platine après quelques écoutes numériques qui m’avaient fait penser qu’on tenait là une bien belle affaire. La pochette, aussi sombre que celles des précédents album, m’avait dans un premier temps laissé circonspect, avec ce logo pas très à propos qui souffre d’un trop plein de froufrous (et qui véhicule mal l’image à la fois ska et rock du combo) et ce fond un peu dark. Et puis j’ai vu le vinyle et j’ai constaté que le rendu était très différent de celui qu’on avait pu voir sur internet ou sur le Cd, forcément moins spectaculaire et plus terne. Le vinyle, rappelons-le, existe dans une version limitée à 500 exemplaires avec le logo et la typo dorés à chaud. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire au niveau technique, mais le résultat et superbe. En plus, le vinyle est dans un jaune marbré comme je n’en ai jamais vu auparavant, superbement emballé dans une impeccable sous-pochette truffée de photos. Sur ce coup-là, on peut féliciter Casual Records d’avoir sorti un si bel objet.

Côté musique, le programme est alléchant, avec quinze titres sur lesquels on retrouve à la fois la touche du premier opus, ska avec une bonne couche de rock’n’roll à l’américaine, et celle du second, plus british, plus two-tone. Sauf que là, 65 Mines Street a encore plus travaillé son identité musicale.

Le disque démarre par « I’m Sick Of It All », un titre saccadé et traînant comme le combo a toujours su en pondre. C’est dans la même veine que « Stereo » qui ouvrait l’album précédent, ou que « Black & White » sur le premier. C’est pas ce que je préfère, mais le morceau se bonifie à force d’être écouté même si personnellement j’aurais mis quelque-chose de plus pêchu, de plus emblématique, pour démarrer le skeud.

Entre cette entame et le dernier titre (le très calme « Among The Stars »), on assiste à un déluge de gros son bourré de hits jusqu’à la gueule.  Il y a « Summers End » bien sûr, excellent morceau à la coule que le groupe a clippé à Los Angeles, puis « Good to Me » en embuscade, avec son superbe clavier et sa guitare lead de toute première catégorie. On sent la mélancolie dans le chant, mêlée à un peu de rage, de désespoir, et on constate avec plaisir les progrès du groupe. « I Do My Best » envoie du son sixties, piano en avant, voix de crooner, choeurs qui font des houhou comme sur une vieille production Stax, et on applaudit des deux mains à « Walking on Topanga », magnifique instru en souvenir d’une virée au bord du canyon californien.

Ça tabasse carrément sur « Welcome Back To 65 Mines Street », on constate avec plaisir que le groupe a donné une descendance à « Nite Shot », un titre du premier album, sobrement appelée ici « Nite Shot II », avec toujours cette ambiance nocturne, fantomatique, inquiétante comme une virée à minuit dans un cimetière embrumé. Et puisqu’on est dans les références au premier opus, on vous fera aussi remarquer « Juicy Morning II » qui revisite « Juicy Morning » dans un style garage-punk crasseux comme si on avait affaire à un groupe de Détroit au début des 70’s. Dans la lignée de « Nite Shot II » (le délire Hammer/Dracula), on savourera tout particulièrement « The Whitechapel Murderer » et sa mélodie de guitare assez grandiose, comme on appréciera les références utilisées par le groupe, le cinéma d’épouvante ayant toujours fait partie de l’imagerie de la scène ska/reggae.

On ne peut pas ne pas vous parler d’ « Orchestration Reggae », chanté par Roy Ellis en vedette américaine, titre calme très habilement placé en milieu d’album, parfait moment de respiration dans un disque qui oscille entre sprint à la Usain Bolt, demi-fond à la Hicham El Guerrouj et endurance à la Gebreselassie.

Mais « Sick & Bitchin' »c’est surtout quatre morceaux comme on n’en entend pas assez souvent : « Agent Orange Is Good For You », pur hit avec des grands moments de claviers soutenus comme il se doit par une section rythmique métronomique qui cogne pile où il faut pile quand il faut. Derrière, 65 Mines Street a convoqué « The Magic Plumbers », la section cuivres atomique, pour « Welcome To The Boss », instrumental prévu pour annoncer la venue de Roy Ellis, qui arrache tout sur son passage avec encore d’énormissimes guitares solo au son clair comme de l’eau de roche, incisives et précises comme un dunk de Michael Jordan, et donc un quatuor de cuivres quatre étoiles qui souffle plus fort que les canons de Navarone. Tout est là: la mélodie, la puissance, l’énergie, et une production aux petits oignons.

On terminera par celles que je réécoute en boucle sans sentir poindre le moindre début de lassitude : « This Sound Is Shit », la mal nommée, très two-tone, très rapide, très british et vigoureuse, avec sa basse qui se promène comme sur un vieux Selecter, un chant plein de hargne superbement mixé, et ce beat implacable qui reste là, on vous trotter inlassablement dans la tête. Et enfin, « The Ballad Of Jerry Lundegaard », référence que les amateurs des frères Coen apprécieront. On est dans du pur skinhead reggae avec une mélodie de western spaghetti comme sur un Harry J ou sur un Tempranos, la voix a été remplacée par un sifflement (un vrai), on ferme les yeux, on imagine Clint Eastwood ou Franco Nero un colt à la main, et on sent que là, on tient un morceau unique, comme on n’en entend pas plus d’un ou deux chaque année.

Brian Dixon a fait un travail absolument gigantesque côté production (sans déconner, on croirait que Lee Perry est aux manettes de « The Ballad… »), les compos sont de toute première bourre, et sur quinze morceaux, on a quand même droit à une sacrée ribambelle de tubes. En fait j’ai beau chercher, j’avais jamais entendu ça en France auparavant. Un groupe l’a fait. Il s’appelle 65 Mines Street. Chapeau bas les gars.

Vince

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