RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE BUSTERS – RUDER THAN RUDE – (WESERLABEL-1988)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois.
BEAUCOUP D’HISTOIRE : C’est du côté de Wiesloch, dans le land du Bade-Wurtemberg, que THE BUSTERS voit le jour en l’an de grâce 1987. Au départ, The Busters c’est : Thomas Scholz et Klaus Huber au chant, Max Grittner à la basse, Hans-Jorg Fischer et Peter Quintern au sax, Jan-Hinrich Brahms au trombone, Hardy Appich à la trompette, Martin Keller à la guitare, Jesse Gunther aux percus, Markus Schramhauser et Stephan Keller aux claviers, ainsi que Gunther Hecker à la batterie. Douze musiciens donc, dont deux chanteurs, deux saxophonistes, deux claviers et un batteur + un percussionniste !
Le groupe ne perd pas de temps, et dès 1988 sort le premier album, « Ruder Than Rude », sur Weserlabel. Le disque est distribué l’année suivante en France via Bondage Records et le groupe se taille une solide réputation. A l’époque, le ska est un genre assez peu pratiqué, et en Allemagne, The Busters fait figure de quasi pionnier, même si d’autres formations teutonnes lui emboîteront rapidement le pas. Le mur de Berlin s’effondre en 1989, et The Busters tourne à travers l’Allemagne avec Bad Manners, s’arrête au London International Ska Festival, et sort un second album, « Couch Potatoes », sur le même label et avec un invité de prestige : Laurel Aitken.
En 1991, le combo part en tournée aux Etats-Unis, et en ramène notamment l’excellente « Illinois State Police » qui figure sur leur nouvel opus, « Dead Or Alive », qui sort dans la foulée sur Weserlabel. On a même droit à des dates françaises, notamment avec The Toasters qui viennent de sortir « New York Fever » (aaaaaahhhh, cette énorme date à Nancy !).
Les disques vont alors s’enchainer : « Cheap Thrills », leur premier live en 92, « Sexy Money », dernier album de Thomas Scholz (qui se consacrera à temps plein à l’organisation de concerts avec Booby Trap) en 94, un excellent « Live In Monteux », bien supérieur à « Cheap Thrills », en 95, avec un nouveau venu au chant, Markus Sprengler.
En 96, The Busters enregistre son cinquième album studio, « Stompede » pour Sony Music, et en 1997, ils publient « Boost Best », un best-of pour fêter leurs dix ans, mais avec des titres entièrement réenregistrés. En 98 sort « Make A Move » sur Dogsteady Records, puis en 99 « Welcome To Busterland ». The Busters est décidément un groupe prolifique.
En 2000, Klaus, l’une des figures de proue du combo, quitte The Busters, presque aussitôt remplacé par Richard Tabor. Max, le bassiste et principal compositeur cède lui aussi sa place. En 2001 est publié « 360° », avec Dr Ring Ding et Farin Urlaub (Die Artze) en featuring, et le groupe rencontre un très gros succès en tournée.
En 2002 sort sur Pork Pie Records un live supplémentaire, enregistré pour le concert des quinze ans à Wiesloch l’année précédente. Markus quitte ensuite le combo. « Revolution Rock » en 2004 sur Ska Evolution Records (leur propre label), puis « Evolution Pop » en 2005 , suivi par « Double Penetration en 2007 et « Waking The Dead » en 2009 complètent la discographie des Busters. Ron Marsman a rejoint Richard au chant en 2008, mais ce dernier s’en va après « Waking The Dead », suivi par les deux sax d’origine, Peter et Hans-Jorg. Mathias Demmer rejoint The Busters au sax ténor, et le groupe enregistre un DVD live en 2010, « Das Konzert für die Ewigkeit » (qui sort en 2011), avant d’aller jouer en Amérique du sud à l’invitation de leurs potes de Desorden Publico l’année suivante.
Début 2013, The Busters publie « Songbook vol 1 » pour son vingt-cinquième anniversaire, un livre regroupant les accords et les textes de cent des meilleurs morceaux de sa carrière, ainsi qu’un tas de photos.
Un quart de siècle après ses débuts, The Busters a un peu perdu de sa superbe à force de changements de line-up, mais les derniers albums restent très recommandables, et le groupe restera définitivement dans l’histoire du ska pour son triptyque de légende réalisé durant ses premières années de carrière : « Ruder Than Rude », « Couch Potatoes » et « Dead Or Alive ». Culte !
LE DISQUE : Les BUSTERS ont-ils inventé le ska revival, ce style privilégiant la vitesse et les cuivres ayant connu son heure de gloire en Allemagne entre la fin des 80’s et le début des 90’s ? Oui, ou quasiment. La preuve avec « Ruder Than Rude », l’un des premiers albums du genre, sorti en 1988 alors que la nouvelle scène européenne était alors naissante, moins de dix ans après le raz de marrée two tone, et bien avant la vague U.S de 95/98.
« Ruder Than Rude » c’est simple, tu peux le prendre par le début, par le milieu ou par la fin, et tu ne trouves pas la moindre fausse note, pas le moindre défaut, pas la moindre chute de régime, alors qu’il s’agit d’un premier album. C’est ça qui est hallucinant. Un putain de premier album ! Une version ska du hit « Don’t Worry Be Happy » pour démarrer en fanfare, et boum boum badaboum, une avalanche de tubes. Tout est là, en un peu moins d’une heure de musique, l’énergie, la puissance, la joie et surtout surtout surtout, les bonnes vibrations du ska made in Germany, emmené par la paire Scholz/Huber, impeccables frontmen d’un groupe qui ne se remit jamais totalement de leur départ, avec en plus une partition entièrement signée Max Of Maxico, orfèvre d’un son souvent imité, rarement égalé.
Et si avec The Busters on pense souvent vitesse, force est de constater que ce premier album ménageait çà et là de bien belles chansons à la cool, presque comme en Jamaïque : « Memories » et sa belle mélodie de cuivres, « Jamaïca Stomp » aux accents caribéens, et évidemment « Tribute To Skatalites » à la mélodie empruntée au groupe de Don Drummond. C’est à pleurer tellement c’est beau, et The Busters, en plus d’être une référence absolue, montre avec cet hommage qu’il sait aussi ce qu’est la gratitude.
Quelques morceaux balancés par-ci par-là sont d’imparables invitations à la dance (« Drinking In The Pubs » et sa basse de compétition, « No Respect », la très uptempo « Their Game »…) et sur cet album, on trouve au minimum cinq morceaux qui ont durablement marqué la carrière du groupe de Wiesloch. « Small Town » d’abord qui frappe fort, très fort avec son glissement de trombone irrésistible, suivi par « Rude Girl », love song indispensable adressée à toutes les filles en jupette et loafers qu’on regardait se dandiner là devant, quand on avait 17 piges et qu’on se croyait capable de changer la face du monde. Plus de vingt ans après mon premier concert des Busters, j’entends encore le public, et particulièrement cette fille plus vieille que moi, avec sa veste Adidas et ses couettes, les bras en l’air chantant « Rude Girl, So what is your game ? Rude Girl, I need to know your name, Rude Girl, It could have been my chance, Rude Girl, But all I did was dance ! ». Nostalgie quand tu nous tiens. Et puis bien sur la chanson-titre, « Ruder Than Rude », superbement illustrée dans le livret, puis le chef d’oeuvre à violon « Mickey Mouse In Moscow », presque annonciateur de la chute du bloc soviétique l’année suivante (« Red Square full of Burger Kings, Komsomolsky kids on dope, forget old Marx and Lenin, who cares about the old farts, let’s party at the Kremlin, and skank down in Gorki Park« ). Et enfin, l’un des plus grands titres revival qu’il m’ait été donné d’entendre, « Scooter Maniacs », qui même après 3 000 écoutes n’a pas pris l’ombre d’une ride et dont les riffs de cuivres font toujours autant office de référence.
Pour un premier album, on tenait là un sacré morceau de bravoure : Vélocité, puissance cuivresque, mélodies, précision chirurgicale, feeling indiscutable. Mon cerveau, ma peau, ma chair, ont été durablement marqués par cet album historique, chargé jusqu’à la gueule de vibrations positives, du genre qui vous donnent envie d’en savoir plus, d’aller creuser un peu plus profond pour découvrir d’autres pépites ska, en Allemagne ou ailleurs, de remonter aux Specials, à Madness, puis de découvrir la Jamaïque.
Je ne sais pas si Dieu existe, ni si Elvis est encore en vie ou si la CIA a commandité l’assassinat de JFK, mais j’ai des centaines d’albums dans mon salon, et en 2013, j’ai au moins une certitude : « Ruder Than Rude » est l’un des trois meilleurs d’entre-eux, tout simplement.
Vince
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