Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – MR. REVIEW – Walkin’ Down Brentford Road (Unicorn/Grover Records-1989)

“Rude Boy Train’s Classics”, c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois.

BEAUCOUP D’HISTOIRE: C’est en 1985, lorsque le mouvement two tone est à l’agonie, que MR REVIEW voit le jour à Amsterdam autour du guitariste Arne Visser et du batteur Roel Ording. Ils font la connaissance de Dr Rude (chant) et abandonnent assez vite leurs plans reggae pour accélérer le tempo et se consacrer au ska. Ils recrutent une fine équipe de musiciens, basse, clavier, deux sax, trompette, donnent des concerts à droite à gauche, et se font repérer par Unicorn Records, LE label british de l’époque. Nous sommes en 1988 et c’est pourtant en autoprod que le groupe publie son premier 45 tours « Ice and Snow/The Feeling’s Allright ».

Leur premier opus par contre, « Walkin’ Down Brentford Road » (Brenford Road est l’adresse de Studio One à Kingston), sort en 1989 sur le label à la licorne.

Mr Review se fait copieusement connaître un peu partout en Europe, porté qu’il est par la vague revival qui sévit à l’époque, notamment en Allemagne où à peu près au même moment émergent des groupe comme The Busters, No Sports ou Skaos.

Le boss de Unicorn s’étant barré avec la caisse, c’est le tout jeune label allemand Grover Records qui réédite « Walkin’ Down Brentford Road » en 1993, et en 1994, le deuxième album du combo, « Lock, Stock & Barrel » sort sur Lazy Eye.

Mr Review est devenu une figure majeure du ska européen, et le groupe participe à de nombreux festivals et à moult compilations.

En 1995, Grover édite le 45 tours « The Streets Where I’m Living », l’un des meilleurs morceaux du groupe, accompagné par « Africa », et embraye sur le live « Keep The Fire Burning ». Moon Records sort en 97 la compilation « One Way Ticket To Skaville », reprise peu de temps après par Grover pour le marché européen, et l’EP quatre titres « Ship That Pass In The Night » arrive juste après.

En douze ans, le line-up du combo a pas mal évolué, et en 98, Mr Review décide de raccrocher et donne son dernier concert à Hilversum. Sauf que Dr Rude et Arne Visser, eux, ont envie de continuer. Ils vont d’abord se faire accompagner par des groupes à part entière sur des festivals, mais en 2001, il décident de tourner sous le nom de « Rude & Visser (AKA Mr Review) ». Ils composent des chansons originales qu’ils mélangent sur scène à des standard de Mr Review, et en 2002, ils sortent « Red Rum », un quatre titre publié par Grover Records. Les concerts continuent (mais rarement en France), et en 2009 on apprend que Dr Rude et Arne Visser ont récupéré une poignée de membres originaux de Mr Review, et qu’il s’apprêtent à enregistrer un nouvel album.

Ils laissent tomber le nom « Rude & Visser », et c’est bien Mr Review qui sort « XXV » en 2010 (en autoprod puis sur Pork Pie) pour fêter leur vingt-cinquième anniversaire.

Malheureusement, le retour sera de trop courte durée puisque Mr Review décide de tirer a révérence en février 2013 lors du grand raout du Berlin Ska City Festival.

LE DISQUE: Beaucoup d’amateurs de ska uptempo considèrent que ce « Walkin’ Down Brentford Road » est le plus grand album de ska revival. Faux ! Le plus grand album de ska revival c’est « Ruder Than Rude » des Busters, sorti peu de temps avant ! Mais oui, Mr Review signait bien avec son premier effort un album qui allait marquer l’époque.

Car le disque compte un bon paquet de morceaux de bravoure, à commencer par « The Feeling Is Allright » qui dès l’entame annonce la couleur : Ça joue vite, c’est cuivré, c’est catchy, surtout pour l’époque, et j’imagine que ceux qui ne juraient que par The Skatalites avaient dû prendre sur eux pour ne pas s’enfuir immédiatement et allez se plaindre auprès de Coxsone Dodd que des Hollandais étaient en train de commettre un sacrilège.

Pourtant, Mr. Review est un groupe respectueux de ses ainées, tellement respectueux qu’il avait dès le départ décidé de leur rendre hommage, parce qu’en plus d’avoir un talent assez monstrueux, ils savent aussi ce qu’est la gratitude. Ça donne « Skampilation », qui comme son nom l’indique est un assemblage de morceaux de standards du ska que tout le monde connait :  « Guns Of Navarone », « Al Capone », le James Bond Thème, « Dance Cleopatra », « Phoenix City » ou »007″. Donc en vrac, du Prince Buster, du Desmond Dekker, et justement, du Skatalites. Et puis avec une version live de « Christine Keeler » (toujours la bande à Roland Alphonso) pour terminer le disque, les fans de vieilleries avaient été assez rapidement rassurés.

Et puis de tubes, des tubes, et encore des tubes, qui pour certains ont sérieusement marqué les esprits: La superbe « Another Town », parangon de ska revival avec les cuivres en ponctuation, agréable à skanker même vingt-cinq ans après, « Complications Of Life », à peu près du même tonneau, l’instru « Buf Buf », la plus calme « Scars On Our Soul », et évidemment l’imparable « Ice & Snow », impossible à esquiver, même si on a le jeu de jambe de Mohamed Ali… ou de Lester Sterling.

Ok, en 2014,  le son de « Walkin’ Down Brentford Road » semble un peu rabougri, pas assez ample, peut-être pas assez puissant, surtout si l’on ne peut s’empêcher, comme moi, d’avoir à l’esprit le chef d’œuvre contemporain de Busters. Mais Mr. Review avait réussit à imposer un style, ou plutôt un sous-style, et à l’installer durablement pour faire danser bien des rude-boys, d’Amsterdam à Barcelone, de New York à Tokyo, de Paris à Berlin.

Mr. Review fut une immense groupe, et ceux qui n’auraient pas compris ça un an après leur disparition feraient bien de s’empresser d’aller redécouvrir leur très belle discographie.

Vince

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