Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – Maroon Town – High And Dry (Staccato Records – 1990)

Afficher l'image d'origine“Rude Boy Train’s Classics”, c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois. 

BEAUCOUP D’HISTOIRE: L’histoire commence donc au milieu des années 80 dans le sud de Londres, à Brixton. Depuis cette période, Maroon Town n’a jamais cessé d’exister, même si leur activité a été un peu en dent de scie. En revanche, le groupe qui tourne aujourd’hui n’a que peu à voir avec le line-up d’origine d’il y a presque trente ans puisque seuls deux membres ont traversé les époques : Rajan Datar et Deuan German. Le nom du groupe s’inspire bien évidemment de la communauté d’anciens esclaves qui ont réussi à se libérer et ont fondé une communauté indépendante au 18ème siècle en Jamaïque. Et ce nom démontre bien l’engagement du combo dans une démarche contestataire.

C’est en jouant fréquemment sur scène que le groupe se perfectionne et forge ce son si particulier qui allie le ska et le rap mais aussi toute sorte d’influences comme le jazz ou la funk. Les neuf membres du groupe jouent dans des lieux aussi divers et variés que le célèbre Gaz’s Rockin’ Blues, des bars ou salles de concerts à travers l’Europe, et même, dans le métro de Barcelone. Peu à peu, Maroon Town attire l’attention des médias et un article de deux pages dans le magazine « The Face » lui est consacré ainsi qu’une une session à Radio One, ce qui est exceptionnel pour un groupe sans contrat avec une maison de disque.

En 1987, Maroon Town sort son premier 45t produit par John Bradbury, le batteur des Specials, sur le label « Township records » pour un coût de 200 livres. Malgré ce coût peu élevé, le single est passé sur différentes radios et notamment chez John Peel. La référence zinesque de l’époque, « Zoot », le nomme même disque de l’année. Ce départ fracassant est confirmé par la sortie de maxi 45t « Pound to the dollar » sur Staccato en 1989 qui remporte un fort succès.  C’est en 1990 que sort le fameux LP « High and Dry ».

Par la suite, le combo sort 3 nouveaux albums à une fréquence classique de deux ou trois ans d’intervalle : « One World » en 1992, « New dimension » en 1995 et « Don Drummond » en 1997. Ces albums suivent un peu la même orientation que « High and dry » avec un mélange de musique jamaïcaine et de rap, mais le son est moins ska, plus dancehall, ce qui les distingue moins de la masse de groupes officiant dans ce registre. La qualité est toujours là cependant, à tel point que Maroon Town entre dans l’histoire en 1998 en étant le premier groupe indépendant a signer un contrat avec Dr Martens pour la somme de 100 000 livres.

En 2011, après des années de silence discographique, le groupe revient avec un nouvel album, « Urban Myths », qui renoue avec une plus grande originalité, en mixant le son jamaïcain avec pas mal d’autres influences comme la salsa, le jazz ou la soul par exemple. Cette année-là voit aussi le groupe participer à des événements majeurs comme le London International Ska Festival ou le Rhythm Festival.

Au final, Maroon Town est un groupe peu connu en France, mais qui a gagné une estime et une renommée réelle dans un grand nombre de pays tels que la Jamaïque, l’Ouzbekistan, le Kazakhstan, l’Ukraine, le Sri Lanka, l’Inde, le Venezuela, le Brésil, l’Argentine ou l’Indonésie . Leur engagement social est également fort, avec des concerts dans des prisons, des centres de soins pour toxicomanes, des institutions d’accueil  pour personnes handicapées, ou des collectes de fonds pour les enfants défavorisés. En résumé, un groupe à découvrir ou redécouvrir pour leur musique mais aussi pour tout le reste.

LE DISQUE: Tout comme leur premier EP, l’album est produit par John Bradbury des Specials. Il comprend 10 titres dans un son réellement différent de ce qui se faisait à l’époque et quasi jamais reproduit depuis. La production et le clavier sont peut-être un peu datés 80’s, mais l’ensemble est toujours d’une qualité qui a traversé les années sans aucun problème. Les cuivres rappellent parfois les excellents Potato 5, et le couple basse/batterie est très performant. Le chant féminin allié au rap/toast de Stevie B donne une couleur très originale à l’ensemble.

Il est important de noter la portée sociale des paroles de la plupart des morceaux (dont une bonne partie écrite par Stevie B). Signalons par exemple, « Thatcher’s Children » qui évoque les difficultés du quotidien d’une partie de la population anglaise dans les années 80, « Average Man » qui décrit la vie d’un homme moyen qui fait de son mieux pour s’en sortir ou le célèbre « Pound to the dollar » qu’on ne présente plus. 

C’est justement « Thatcher’s children » qui ouvre les hostilités avec un rythme très dansant, le contretemps est très marqué par le clavier, les cuivres excellents et le flow de Stevie B fait des merveilles. Ce titre donne le ton à d’autres morceaux forts du LP comme « Nostalgia » avec ses cuivres entêtants ou avec « Pound to the dollar » qui rencontra un grand succès mérité à l’époque.

Le troisième titre de l’album est « Woman say no », une chanson qui enjoint les femmes victimes de violences masculines à réagir. Forcément, au vu du sujet, ce morceau a un chant exclusivement féminin. La chanson en elle-même paraît moins aboutie que les autres et le chant est perfectible, mais elle reste très honorable.

On enchaîne avec « Fire » qui rappelle Bad Manners par ses cuivres et sa rythmique, mais malheureusement pas le Bad Manners des débuts… »Welcome » quant à lui change agréablement d’ambiance avec une intro très « dance » années 80 pour enchaîner par une ambiance très James Brown/funk/70s en alternance avec des passages à la Dee Lite. Et, de nouveau, notre ami Steve B laisse libre court à son « flow » plus qu’impressionnant…

« Man in the street », c’est les skatalites meets Stevie B. L’hommage aux illustres anciens est évident mais la patte Maroon Town est là et en fait quelque chose de vraiment nouveau. Dans la même veine, « Average man », avec son tempo plus lent, donne à nouveau le plein sens de la rencontre entre le ska et le toast avec des cuivres toujours au top.

L’avant dernier titre, « Travelling light », est quant à lui une reprise du succès des années 60 de Cliff Richard & the Shadow, mais dans une version ska digne de la grande époque avec son roots et chant féminin excellent qui amène une petite pause bienvenue dans les sonorités plus électroniques. « High and dry » se clotûre sur l’instrumental « Possee » qui, sans être mauvais, apparaît comme dispensable au regard des 6 ou 7 « tubes » définitifs présents sur le disque.

Pour finir , précisons que cet album a d’abord été réédité en CD en 1999 par le label « House of ska », et  le voici de nouveau disponible chez « Cherry Red Records » depuis 2013 avec l’apport inespéré et excellent des titres du premier EP et du maxi Pound to the dollar.

Rodoliv

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