Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – Chickenpox – Stay Away From The Windows (Burning Heart/1998)

« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois… 

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE: Label suédois indépendant des années 90, Burning Heart Records lance la carrière internationale de nombre de groupes punk ou hardcore de la scène scandinave comme Millencolin, The Hives ou Refused. Afin d’élargir sa force de frappe, la firme s’est rapidement affiliée au géant californien Epitaph concernant la distribution en Amérique du nord. Aujourd’hui au point mort, Burning Heart a complètement dilué son catalogue et son identité dans Epitaph.

Comme tout label qui se respecte, des samplers présentant des titres de chaque groupe de l’écurie sortaient tous les deux ans : Cheap Shots Vol. 1 (1995) à Vol. 5 (2001). S’y dessinaient la richesse et la diversité du label qui ne produisait pas que les genres cités plus haut mais également du ska, du rocksteady, du grindcore et même du hip-hop.

CHICKENPOX (la varicelle en français) se forme en 1992 comme un groupe hommage aux anciennes gloires telles que Desmond Dekker ou The Specials. Les sept musiciens se forgent rapidement une solide identité, mélange de ska two tone, rock-pop, reggae et soul, le tout mâtiné d’ambiances jazz.

Leur discographie est courte mais dense. Trois albums en 5 ans sans changement de line-up chez Burning Heart. Ils publient un premier opus « At Mickey Cohen’s Thursdaynight Pokergame » en 1996, très typé two tone british avec déjà une touche particulière. Suivront « Stay away from the window » en 1998 et « Approved by Chickenpox » en 2001, deux fulgurances musicales qui les propulseront au rang des groupes marquants. Ils se séparent en 2002.

LE DISQUE: 11 titres pour un album qui sonne à la fois frais et familier. L’influence anglaise two tone à la Specials est digérée habilement et souhaite prendre une autre direction. La composition est bouillonnante d’énergie créative et révèle un songwriting charismatique. Mattias Ahlén délivre un chant à la narration sûre, imprimant par moment une atmosphère mélancolique, tout en se montrant à l’aise dans la rapidité du skank.

Chickenpox donne envie de pousser les meubles du salon avec des morceaux comme « Bring it down » ou « Truth of our time » mais également de vous asseoir dessus pour méditer sur « Strictly commercial » ou « Mr negative », deux pépites qui donnent des frissons. Car chez Chickenpox, le ska n’est pas juste un défouloir et peut constituer parfois un moyen d’introspection. A trop en écouter, je finis par préférer le ska mélancolique (voir triste) au ska invariablement joyeux. Comme si de part sa texture sonore, il devait toujours être une musique festive. Trop de groupes rabâchent ce que le ska est, trop peu tentent d’inventer ce qu’il pourrait être.

L’album commence sur « Beliver », super skank rock’n’roll qui donne le ton du groupe : l’orgue siffle, les cuivres apportent un contrepoint cohérent au chant d’une impassible perfection. Break reggae au milieu du morceau avec syncope clavier-guitare de très bon goût. Plus lente, vient ensuite « Rocket » lorgnant vers un rocksteady étrange. Petite phrase de trombone bien comme il faut, les chœurs à la cool et le solo de sax finement amené. « Truth of our time »  poursuit la route avec une belle énergie. L’orgue vrombit, tout en finesse dans les ruptures et emporte le tout. Puis « Down your road », ska-reggae au chant super classe. Solo de guitare d’ambiance tropicale, les cuivres se font gras et poissent.

Arrive « The anthony street incident ». L’orgue se fait rayure. Les couplets sont mélancoliques servis par un chant monocorde. Seul le refrain s’émaille de touches de cuivres pour rendre la chose optimiste. Guitare et trompette s’offrent une partie de cache-cache. La fin du morceau est un pont élégant vers le titre suivant « Strictly commercial ».

Ska-reggae plutôt lent, « Strictly commercial » est une merveille d’épure. Les instruments se réveillent progressivement, le texte est engagé, le tempo semble déglingué. Les lignes de clavier en toile de fond ajoutent un côté dramatique à ce morceau très bien produit.

« Bring it down » est un ska two tone plus classique mais efficace avec toujours ce canevas cuivres/orgue/guitares/chœurs qui fait le style Chickenpox. Pour le rude boy en goguette, « Move your body » est une petite démonstration en 38 secondes pour apprendre à bouger les jambes dans la tradition ska.

Enfin « Mr Negative », deuxième pépite de l’album. Soignée, l’ambiance de la chanson renvoie à du Slackers première époque (« Run away »), avec ses accents jazz et le chant qui colle à la peau. Maturité du sens de l’arrangement qui ménage un solos de trompette et le final tout en cymbales accentue le goût jazzy laissé dans la bouche. « Reach out » est aussi une petite merveille qui rentre bien dans le crâne. Superbe introduction à l’orgue qui cède sans prévenir au beat et au chant. Les instruments se fondent doucement dedans, le morceau épaissit, les chœurs et le chant se tournent autour dans les sifflements du clavier. Pour clore l’album, « I saw » a des allures de protest song. Ska rapide du temps qui passe et qui corrompt. Gros break reggae, le chant tient définitivement bien la route.

11 titres donc, avec la volonté de ne pas exécuter toujours le même morceau, d’être ambitieux, inspiré. L’orgue omniprésent, au phrasé désinvolte, confère tout au long de l’album ce qu’il faut de curiosité à l’ensemble. Tout est agencé avec intelligence et sensibilité mais sans aucune retenue. Le résultat s’apparente plus à une étude minutieuse qu’au fruit rebelle de la culture underground, même s’il excelle à ces deux niveaux là aussi.

CONCUSION: Quand on pense au ska, on imagine d’abord les vieux groupes jamaïcains. Puis, c’est l’Angleterre des Specials, de Madness et des Selecters qui viennent à l’esprit. Peut-être pense-t-on ensuite à la scène californienne des années 90 avec ses mélanges ska-punk, ska-core et ska-funk. En revanche, on pense rarement à la Scandinavie, ce qui doit beaucoup frustrer les 7 membres de Chickenpox. Car oui, ils sont suédois, font du ska et le font bien. Tout comme aujourd’hui The Upsessions et The Valkyrians, également originaires d’Europe du Nord et très bons dans ce qu’ils font.

Klem

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