Rude Boy Train

Rude Boy Train’s Classics – THE MIGHTY MIGHTY BOSSTONES – Devils Night Out – (Taang Records ! / 1989)

« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois… 

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE: L’histoire se passe dans l’une des plus européennes des villes américaines. L’une des plus irlandaises même. Boston. Massachusetts. Nous sommes en 1985, et un groupe se forme sur les cendres de deux combos hardcore du coin. Un bassiste, Joe Gittleman, va rencontre un chanteur, Dicky Barrett. Ensemble, il vont former un groupe qui au départ va s’appeler The Bosstones. Des line-up  se forment et se transforment, Tim Burton (sax) et Nate Albert (guitare) sont déjà de la partie, et le groupe décide d’allonger son blaze pour devenir THE MIGHTY MIGHTY BOSSTONES, Bosstones tout court ayant déjà été utilisé par d’autres.

Le groupe mélange le ska cher à Dicky Barrett, au hardcore cher à Joe Gittleman, et publie en 1989 sur Taang ! Records son premeir album, « Devils Night Out », qui sera le premier disque de skacore de l’histoire. Car à l’époque, Operation Ivy fait dans le ska-punk. Ska-punk, skacore, tout cela est un peu pareil, mais on ne sait pas encore qu’on vient d’assister là au début d’un vague qui va bientôt se transformer en raz de marrée.

Toujours sur Taang ! sort en 1991 l’Ep « Where’d You Go », sur lequel le groupe reprend des classiques de la scène métal. Il est suivi en 92 par le second album, « More Noise and Other Disturbances ». Les Bosstones tournent pas mal au USA (avec Joe Sirois à la batterie), et commencent à remporter un certain succès. Une prise de tête avec Taang ! Records les pousse à signer avec la major Mercury pour l’Ep « Ska-Core, The Devil and More » en 1993, puis pour le troisième album dans la foulée, « Don’t Know How To Party ».

C’est ensuite au tour de « Question The Answers » de sortir en 94 sur Mercury, et le groupe se sérieusement cartonner, au point de se retrouver dans le film Clueless (avec Alicia Silverstone) en train de jouer « Where’d You Go » dans une soirée lycéenne. Les tournée s’enchaînent, le groupe joue en Europe, et en en 97, « Let’s Face It » et son single « The Impression That I Get » font un carton planétaire (n°1 du Billboard charts). Le disque se vend à plus de 2 millions d’exemplaires, et les Mighty viennent même jouer en live dans l’émission culte de Canal Nulle Part Ailleurs en juin 1998. Depuis 1995, les USA sont submergé par une vague ska : Rancid, Save Ferris, Less Than Jake, Reel Big Fish… cartonnent et attire les gros labels.Le groupe  publie un live en 98 (« Live From the Middle East ») et participe à la compilation « The Clash Tribute, Burning London », sur lequel ils reprennent « Rudie Can’t Fail ».

Nate Albert, le gratteux d’origine, quitte le groupe pour être remplacé par Lawrence Katz. La vague ska est retombée, et les Bostoniens sortent « ‘Pay Attention »en 2000, un disque qui n’obtiendra pas le même succès que ses prédécesseurs. Le groupe quitte Mercury qui a été racheté par Universal et c’est Side One Dummy qui publie en 2002 le septième opus, « A Jackknife To A Swan ». Une grosse tournée s’en suit  (le Deconstruction Tour en Europe à l’été 2002) mais en décembre 2003, le groupe annonce qu’il fait une pause à durée indéterminée. Les causes sont diverses : les problèmes de l’époque major et les changements de line up ont quelque peu usé le combo. Des side projects se sont créés au fil des années et chaque membre semble vouloir prendre un peu d’air.

Les muciens partent tous un peu sur des side projects, Barrett bosse sur ABC, fait de la radio, et en 2005 des rumeurs de reformation commencent à circuler. Un reunion show a finalement lieu en 2006 pour le dixième anniversaire du concert annuel au Middle East Club de Cambridge, le fameux Hometown Throwdown qui a rendu le groupe ultra populaire à Boston. Quelques nouveaux morceaux et une collection d’inédits sont ensuite compilés pour le disque « Medium Rare » qui sort en décembre 2007 sur Big Rig Records. Disque sur lequel on retrouve évidemment l’éternel bouledogue, célèbre logo dessiné par Jerry Mattis.

En mai 2009, le groupe se rend au Kingside Soundlabs Studio à Eagle Rock et au Sonora Recorders de L.A (deux grosses boutiques californiennes) pour enregistrer son nouvel album (le huitième si on ne compte pas Medium Rare) avec Ted Hutt à la production (ex-Flogging Molly, producteur pour Chuck Ragan, Street Dogs, Gaslight Anthem, Bouncing Souls…). Les Bostoniens donnent de nombreux concerts durant l’été aux quatres coins du pays ainsi qu’au Canada.
« Pin Points And Gin Joints » sort en décembre sur Big Rig (le label du groupe qui est en fait une subdivision de Mercury qui a été mangé par Island/Def Jam qui appartient à Universal Music Group… mon dieu que c’est compliqué !) Ce disque est celui de retour de Kevin Lenear au saxophone.

Les Mighty enchaînent ensuite en participant au show de Jimmy Kimmel sur ABC avant de donner une série de concerts « Hometown Throwdown » (tous complets) à Boston et à Cambridge entre Noël et nouvel an, avec par mal d’invités du cru : Bim Skala Bim, The Pilfers, Darkbuster, The Pietasters… bref, que des petits joueurs…

Et en 2011 Big Rig sort « The Magic Of Youth », neuvième album d’un groupe hors du commun qui fêtera bientôt ses trente ans de carrière.

LE DISQUE: La première fois que j’ai écouté ça, j’étais en pleine période revival et je me suis dit « mais qu’est-ce que c’est violent ! ». La pochette déjà, donnait le ton : un motif de tissu écossais à carreaux. Ce motif, on le retrouvera tout au long des premières années du groupe, comme une marque de fabrique, moyen de rappeler les origines Irlandaises de certains membres du groupe, notamment du chanteur Dicky Barrett, de se démarquer des costumes stricts de l’ère 2-Tone anglaise et des shorts bariolés de la scène californienne.

En dix chansons, The Mighty Mighty Bosstones impose son style qui n’avait alors jamais été joué. Un mélange de punk/hardcore et de ska. Une rythmique imparable, des contretemps, des riffs de cuivres mêlés à une voix rocailleuse et à des guitares féroces.
J’avais aussi été impressionné par la vitesse d’exécution. Ce disque est ultra rapide. Pas du Bad Brains mais pas loin. Et surtout, le groupe n’emprunte pas grand-chose au punk british. C’est bien la scène hardcore US qui l’inspire.

Le premier titre donne le la. « Devils Night Out » est tellement hardcore qu’il a parfois des accents métal. Les breaks ska ajoutent un brin de respiration dans cette chanson brutale et le résultat est excellent. La pression ne retombe pas avec « Howwhywuz, Howwhywham » un chouia plus calme au début, puis joué très punk à la fin. Les cuivres restent en arrière pour faire place à la voix inimitable de Barrett, comme s’il se gargarisait en chantant.« Drunk And Children » est un bon ska-core bien rapide et violent. « Haji » démarre avec une guitare à la Van Halen, puis se poursuit rapidement avec un sifflement de clavier très ska, même si la chanson continue en alternant contretemps et hurlements fusion un brin hip-hop hardcore par endroits (à la Bodycount.) « The Bartenders Song » est faite du même bois, à la croisée des deux genres.
Grosse guitare pour démarrer « Patricia », une chanson bien rentre dans la gueule, pas ska pour deux sous, mais magnifique. Léger changement de registre avec « The Cave » (un de leurs vieux titres), un bon ska bien introduit par une partie quasi-mento !

Quant à « Do Something Crazy », si tu veux comprendre comment c’était les Mighty au début de leur carrière, ben t’as qu’à te la mettre dans les esgourdes.

Et puis bien sûr, il « A Little Bit Ugly » qui boucle la boucle avec son harmonica omniprésent  qui semble venir du fin fond d’un bayou de Louisiane, comme si un vieux bluesman de Baton-Rouge avait forniqué avec une rude-girl jamaïcaine. Une belle respiration pour la fin d’un disque serré dans ses 25 minutes très efficaces.

Mais le tube du skeud est à l’évidence « Hope I Never Lose My Wallet », un classique parmi les classiques, incontournable sur scène, qu’on se plait encore à reprendre en gueulant comme des malades près d’un quart de sicle plus tard.

Album ultra-culte qui posa la première pierre du ska-core qui allait déboucher des années plus tard sur la riche vague ska/punk américaine qui connut le succès que l’on sait (96/97), « DEvils Night Out » a été enregistré par un septet avec sax et trombone, auquel un clavier est venu se greffer sur quelques chansons. On notera aussi la présence en musicien additionnel de Vinny Nobile (trombone), qui fut l’un des moteurs d’un autre groupe bostonien, Bim Skala Bim.

Barrett et son gang de Nouvelle-Angleterre ne savaient pas encore que comme leurs ancêtres du Mayflower, ils étaient des pionniers.

Vince

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