JANET KUMAH – Yellow Flower – JAAK Music
UN PEU D’HISTOIRE : Elle nous manquait, la belle Janet, depuis la fin des Delegators en 2014. Il faut dire qu’avec son groupe, elle avait conquis l’Europe, grâce à un superbe premier album nommé « All Aboard » sorti trop peu de temps avant ce malheureux split, et surtout à coup de grosses performances scéniques dont ils avaient le secret.
Après un trop long silence, on la retrouve avec plaisir sur l’album de Teddy Garcia avec l’excellent « Let Me Talk About It », mais ça parait bien trop peu!
Mais heureusement, le virus de l’écriture revient à la charge et elle se remet naturellement à réécrire quelques chansons. Quand son ami John Runefelt, multi instrumentiste de talent, qui jouait déjà les claviers de « All Aboard », lui propose quelques jours de session, elle s’envole aussitôt avec ses textes sous le bras pour le rejoindre à Stockolm, avec juste l’envie de goûter à nouveau aux joies du studio. Trois jours de travail acharné, tricotant, détricotant et retricotant leurs compos, et les voilà déjà avec trois titres fins prêts ! Un nouveau voyage quelques mois plus tard leur permettra d’en enregistrer quatre de plus. Il n’en fallait pas plus pour que l’évidence d’un nouvel album se dessine. Janet sort un premier titre dont nous vous avions parlé ici il y a plus de deux ans sur 45t, un excellent ska nommé « Words To Say ».
Il aura donc fallut encore plus de deux ans de travail pour aboutir aux douze titres qui composent ce « Yellow Flower », premier album solo de Janet Kumah qui sort cet été sur son propre label JAAK Music. Et le seul reproche qu’on pourra lui faire pour l’instant, c’est de ne pas avoir de version physique à ce jour.
LE DISQUE : Tous les fanas des Delegators seront ravis d’apprendre que lors du split, Janet Kumah ne semble pas avoir oublié d’embarquer avec elle les précieuses recettes du combo! C’est donc avec bonheur que l’on retrouve ce fameux son 100% vintage à l’écoute de « Blue » qui entame le skeud. La basse est profonde et la batterie résonne comme si elle avait été captée dans les années 50… L’ambiance est toujours teinté de blues and soul, et la voix de Janet fait toujours des merveilles. Seule nouveauté marquante dans le panorama de ce titre excellent, des cuivres feutrés remplacent ici, et sur tout l’album, les saxos omniprésents de l’ancienne formation, offrant une tonalité quelque peu différente.
La suite du menu devrait régaler tout le monde: « Not Alone », sûrement un des titres les plus reggae jamais interprétés par Janet Kumah, n’en reste pas moins un fabuleux moment de soul, aux cuivres clairs/obscurs divinement arrangés et aux chœurs foisonnants, dignes des meilleurs trios de Studio One.
On a à faire à du gros, gros niveau, et les bras m’en tombent littéralement quand j’écoute la beauté dépouillée du rocksteady « Take It » : la rythmique majestueuse, réduite à sa plus simple expression, déroule un véritable tapis rouge à une compo vocale classieuse. Et que dire alors de l’explosif « Sing It Loud », énorme bombe de funky reggae ébouriffante aux cuivres soulissimes et au refrain entêtant.
Les passages ska sont tout aussi tops: « Happy Face » et son piano frétillant comme un gardon, se fait léger comme une brise d’été, avec un break soul sur le refrain que n’aurait sûrement pas renié la regrettée Sharon Jones. « Oh Lawd, I Gotta Move On » se montre balèze de la tête aux épaules, avec ses chœurs masculins impeccables, pendant que ceux 100% féminins batifolent dans l’allégresse du délicieux « Word To Say » que l’on retrouve ici avec le plus grand plaisir.
Mais le cœur des compos reste principalement early-reggae, aux fondements profondément ancrés dans des influences soul bluesy complètement digérées par Janet Kumah… que ce soit sur « Yellow Flower » avec sa rythmique à la Wailers et ses cuivres Daptoniens, ou sur « I Can’t Wait », du même tonneau, on ne distingue plus vraiment la frontière des genres et c’est tant mieux, tant la fusion semble parfaite entre blues, soul et reggae… Même compliment pour le « Even Thru The Rain» qui en impose grave avec ses chœurs puissants, ou pour le plus léger « Beautiful » qui devrait être remboursé par la sécu en guise de Prozac !
En bonus, « I Need a Cake », est lui 100% soul : après un début en mode acoustique planante il se conclue façon énervée, un titre qui fleure bon le 100% « home-made », manière de rappeler finement que tout ce magnifique travail n’est l’œuvre que de seulement deux artistes.
Eh oui, m’sieurs-dames, ce « Yellow Flower » est une véritable démonstration de pur son 60’s Jamaïcain au puissant souffle soul… Les jours et les nuits de travail du duo Kumah-Runefelt, passées à fignoler les moindres détails de leur oeuvre, transpirent à chaque note, à chaque mot de ces douze chansons géniales, qui font de cet album un must-have de cette année 2018 !
Bronsky