THE SENIOR ALLSTARS – What Next ? – Skycap
UN PEU D’HISTOIRE : Au départ, The Senior Allstars (de Munster en Allemagne) est un groupe indissociable de Dr Ring Ding, avec qui ils enregistrent « Dandimite » qui sort en 95 sur Pork Pie Records et dont tout le monde se souvient. Un paquet de disques plus tard, au début des années 2000, le groupe quitte son chanteur tromboniste (ou alors c’est l’inverse) et part vivre sa vie en solo (mais à plusieurs).
Ils enregistrent d’abord « Sniff », un maxi sorti en 1999 (en vinyle uniquement), et c’est ensuite, « Nemo » (un mini album 7 titres) qui voit le jour en 2000. Les deux vinyles sont réunis par la suite sur un seul Cd (qui s’appelle aussi « Nemo »), qui sort chez Grover Records. Et là, le groupe va prendre six ans pour enregistrer « Red Leaf » publié en 2006 (toujours chez Grover), suivi en 2008 par « Come Around » et en 2009 par « Hazard » sur lequel ils invitent un tromboniste nommé Dr Ring Ding (ces deux derniers opus étant édités par Skycap). En 2011, The Senior Allstars sort « In Dub », un album de versions dub reprenant seize titres de leur répertoire remixés notamment par Victor Rice.
« What Next », leur cinquième opus, est sorti au début de l’automne 2012.
LE DISQUE : Il est bizarre le nouvel album des Senior Allstars. Il est même très très bizarre, tellement bizarre qu’on pourrait le passer en boucle aujourd’hui sur la sono de la mairie de Bugarach, le bled de l’Aude censé survivre à l’apocalypse qui au moment où vous lisez ces lignes aurait dû tous nous engloutir ou nous désintégrer.
Ce disque est calibré soit pour les toxicomanes, soit pour les illuminés et autres gourous new age, soit éventuellement pour Paco Rabane ou les descendants du révérend Moon. Et peut-être aussi un peu pour les amateurs de musique jamaïcaine planante, bien planante, un peu en mode Michel Blanc dans « Marche à l’Ombre » après son fumage de spliff (« t’as fermé la porte parce que j’ai été attaqué par des renards tout à l’heure »).
Certes, on avait été habitué aux expérimentations dub de la fine équipe, mais force est de constater que là on franchit un cap dans la musique pour ascenseurs. Je conseille donc à tous ceux qui n’ont jamais écouté le groupe de Munster de commencer soit par les disques avec Dr Ring Ding, soit par « Nemo » ou même « Red Leaf », mais certainement pas par « What Next ». Le choc risquerait d’être un poil trop violent.
Les autres par contre, ceux qui s’envoient du King Tubby, du Lee Scratch Perry, du Mad Professor ou du Pink Floyd période live à Pompéi le matin au réveil, peuvent foncer tête baissée et les esgourdes bien ouvertes : Ça va leur filer au moins une demi molle !
Car le désormais quatuor a certes déliré, mais n’a pas décidé de remballer son talent pour autant. On a donc droit à 47 minutes de musique avec des tonnes de basse et pas mal d’écho, mais le tout est très habilement produit et franchement bien interprété. Evidemment, à la première écoute on prend peur, on est déconcerté est on se dit « mais qu’est-ce qu’ils ont foutu bordel ! ». Mais à partir de la vingtième ou de la vingt et unième (écoute), on commence à retenir une mélodie par-ci, deux trois accords par-là.
Et qu’on soit surpris ou choqué, qu’on sort mod ou skinhead, qu’on soit jamaïcain ou botswanais, on est forcé de dire « chapeau bas » à l’écoute de « Come On », de la superbe « What Do You Need » avec une guitare presque à la Ernest Ranglin, ou de la très abordable « Que Pasa Depues », finalement assez ska-jazz, et plutôt raccord avec ce que le combo avait pu nous proposer jusqu’à présent.
Pour le reste, accrochez-vous, mais si réussissez à passer le cap de la première impression à priori un brin négative de cet effort presqu’easy listening, il est possible que comme avec certains films de David Lynch ou de Cronenberg, vous vous fassiez vraiment plaisir en dénichant des perles que vous serez les seuls on comprendre, ressentir, et apprécier à leur juste valeur. Et ça, c’est justement ce qui rend la musique aussi précieuse.
Vince