Rude Boy Train

RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE TOASTERS – DUB 56 (Moon Records/1994)

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« Rude Boy Train’s Classics« , c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois ».

BEAUCOUP D’HISTOIRE: THE TOASTERS, c’est tout simplement l’une des plus belles références de l’histoire du ska.

Créé à New York en 1981 sous le nom de Not Bob Marley, The Toasters est indissociable de son frontman/guitariste/chanteur Rob « Bucket » Hingley, un english man in New york comme dirait l’autre, qui parle un peu français aussi puisqu’il a vécu à Strasbourg (son père faisait partie de l’armée anglaise).

En 1985, The Toasters sort un 45 tours éponyme, puis un autre (« Beat Up »), avant un mini album, « Recriminations », aujourd’hui collector, et embraye en 1987 avec son premier LP, « Skaboom », plusieurs fois réédité. Les disques de The Toasters sortent systématiquement sur Moon Records, le label créé par Bucket (qui sera plus tard rebaptisé Moon Ska NYC pour des questions de droits).

Autour de Bucket s’agglomère une bande de musiciens à géométrie plus ou moins variable, mais des Toasters on retiendra surtout le trompettiste Lord Sledge, les claviers Dave Barry et Dave Waldo, et surtout la doublette sax/trombone Fred Reiter et Rick Faulkner qui en 1995 sont allés former le New York Ska Jazz Ensemble.

C’est ensuite un sacré foutoir dans la discographie de The Toasters. La faute à des éditions avec des pochettes différentes dans chaque pays, à plusieurs vinyles regroupés sur un seul CD, et au label anglais Unicorn, l’un des premiers de la troisième génération, qui sort « The Naked City » en 1986 et « Poolshark » en 1987 (qui comprennent tous deux des titres déjà parus), qui réédite « Recriminations » en 1988 et qui sort le premier live du groupe, « Frankenska », en 1990. Sauf que le patron d’Unicorn a oublié de dire aux Toasters qu’il éditait ces disques, et qu’au final il s’est tiré avec la caisse sans leur verser le moindre centime. Depuis, ces albums ont disparu de la discographie officielle du combo new-yorkais.

Pour ce qui est des « vrais » albums des Toasters, ça sera « Thrill Me Up » en 88 et « This Gun For Hire » en 90. En 92 sort « New York Fever », sur Moon Records aux USA et sur Pork Pie en Europe. C’est avec ce très bon disque que The Toasters se fait un nom sur le vieux continent.

En 1994, « Dub 56 » voit le jour une fois encore sur Moon et sur Pork Pie. Ce disque, probablement le meilleur du combo, est celui de la consécration dont tout le monde reconnait les qualités. Il annonce d’ailleurs les prémices de la vague ska qui va conquérir l’Amérique à partir de 1995 (avec l’immense single « Timebomb » de Rancid).

Suivent ensuite « Hard Band For Dead » en 1996 (qui en Europe s’appelle « Two Tone Army »), et « Don’t Let The Bastards Grind You Down » en 1997 (deux très bons albums où Jack Ruby Jr a pris le chant), qui marqueront la fin d’une époque puisque Reiter et Faulkner quittent définitivement le groupe pour se consacrer au NYSJE.

En 2000 sort le « Live In London » sur lequel Dr Ring Ding apparait en invité au trombone.

Bucket développe Moon Ska en Europe puis au Brésil, mais la maison-mère fini par faire faillite. Pas découragé pour autant, il rebondit et crée son nouveau label, Megalith Records, qui publie en 2002 « Enemy Of The System », après une première édition sur Asian Man Records. Le disque est un cran (voire deux) en dessous des précédents, et en 2005 sort le DVD « Little Hidden Secrets », avant le dernier album en date, « One More Bullet » (qui porte bien son nom) en 2007 sur Stomp Records. Là non plus, la qualité qu’on pouvait trouver sur « Dub 56 » ou sur « Hard Band For Dead » n’est plus au rendez-vous.

Différents la bels ont aussi édité des compilations un peu partout dans le monde, avec parfois pour un même disque des pochettes encore une fois différentes (« In Retrospect », History Book », « Best-of »…), et on peut aussi trouver çà et là (si on cherche bien), un « Live in Sao Paulo Brazil » et un « Live in L.A » ou encore un live au CBGB.

Bucket habite aujourd’hui en Espagne où il a installé son label. Il continue de tourner régulièrement avec un backing-band sous le nom de The Toasters, en général en formation (très) réduite (à cinq : guitare, basse, batterie, sax, trombone), mais le groupe que l’on voit aujourd’hui sur scène n’a malheureusement plus grand-chose à voir avec celui de Coolie Ranks, de Jack Ruby Jr et Fred Reiter ou de Dave Waldo.

LE DISQUE: Ahhhh « DUB 56 ». En général quand on demande aux fans quel est le meilleur album de Toasters, ils vous répondent celui-là. Si vous vous demandez pourquoi, c’est que vous ne l’avez jamais écouté.

D’abord The Toasters en 1994, c’est probablement la plus belle section cuivre la scène US de l’époque. Imaginez plutôt : Sledge à la trompette, Rocksteady Freddie au sax, et Rick Faulkner au trombone. On a rarement vu mieux. Et comme si ça ne suffisait pas, le trio se fait épauler sur deux titres par Lester Sterling (Skatalites) himself.

Ensuite côté chant, Coolie Ranks est venu renforcer le groupe et seconder un Bucket pas forcément à l’aise dans tous les registres, mais  qui sur « Dub 56 » réussit un sans-faute.

Côté son, on est à cheval entre le style revival à l’allemande, le ska plus 60’s à la californienne (Jump With Joey, Yeska…) avec çà et là quelques miettes de jazz et un soupçon de raggamuffin.

Quatorze titres, que du lourd, du très lourd, mais jamais du balourd. Ça démarre fort avec « Direction » qui nous indique la direction. Du ska rapide, incisif et précis, parfaitement produit, avec un son de piano virevoltant, et un Bucket très en forme. Et je ne vous parle même pas de la section cuivre atomique. Et tout le disque va être à ce niveau de qualité.

Juste après, « Freedom » la joue un peu plus cool, à l’instar de « Ain’t Nuthin’ », de « Sweet Cherie » ou de Dancin’ » et son phrasé ragga. C’est cool peut-être, mais ça ne manque jamais de patate, avec des cuivres toujours très en avant et une voix pop du plus bel effet.

« DUB » 56, c’est aussi deux reprises. « Tunisia » d’abord, empruntée à Dizzy Gillespie, magnifique instrumental parfaitement bien adapté en ska, différente de la version enregistrée par le Rotterdam Ska Jazz Foundation presque dix ans plus tard. Sledge, Rick et Freddie s’en donnent à cœur joie, et on sent déjà poindre à l’horizon le New York Ska Jazz Ensemble. Et « Midnight Hour », reprise à Wilson Pickett (sur le cd, elle est bizarrement attribuée à Percy Sledge), est elle aussi un parangon d’adaptation réussie, deux crans au-dessus de celle que Skarface enregistra peu de temps avant.

Et puis il y a la chanson/titre, « Dub 56 », qui file droit, à toute vitesse, sans que jamais le groupe ne se prenne les pieds dans le tapis, ou bien « Goody Goody » qui dans la même veine clôt le disque avec style.

Mais finalement, ce magnifique opus des Toasters ne serait pas ce qu’il est sans sa doublette de hits incontournables. « Mona » d’abord, où Sledge prend le micro, de telle manière qu’on se demande pourquoi il n’a pas choisi d’être chanteur avant d’être trompettiste, avec ce contretemps implacable ponctué de cuivres tonitruants, le raggamuffin de Coolie Ranks qui vient derrière ne soutien et un final cuivré tout simplement apocalyptique. « Legal Shot » ensuite, reggae/ragga de toute première catégorie, où Ranks plus à l’aise que jamais fait des miracles, avec une rythmique propre et nette, sans une note de trop, sans une faute de goût, sans un poil qui dépasse. A coup sûr l’un des titres les plus emblématiques du groupe new-yorkais, malheureusement rarement joué sur scène (juste impossible sans Coolie Ranks).

« Dub 56 » est un chef d’œuvre incontournable qui près deux décennie après sa sortie n’a pas pris le début de la moitié d’une ride. A l’époque, The Toasters était l’une des formations les plus importantes de la scène ska mondiale, et Bucket l’un des instigateurs du retour au premier plan du genre, et le fer de lance de son développement, aux Etats-Unis comme en Europe.

Et si aujourd’hui le groupe n’est plus que l’ombre de lui-même, je préfère que « Dub 56 » se rappelle à mon souvenir comme un disque de chevet, comme une date à marquer d’une pierre blanche et comme un album qui m’a durablement influencé. C’était il y a vingt piges,  je venais de sortir de l’adolescence, et je ne m’en suis jamais remis.

Vince

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