CHRIS MURRAY COMBO – BUCKLE UP – UNSTRICTLY ROOTS
UN PEU D’HISTOIRE: S’il y a bien un personnage incontournable et singulier sur la scène ska contemporaine, c’est bien le Canadien Chris Murray. Incontournable parce dès la fin des années 80, il a été un des fers de lance, avec son groupe King Apparatus, du revival ska outre-atlantique, et que depuis, il distille avec un talent hors pair ses chansons simples aux harmonies limpides comme de l’eau de roche.
Installé en Californie, Il a de plus été l’instigateur pendant près de six ans des soirées « Bluebeat Lounge » au Knitting Factory d’Hollywood, permettant à une bonne tripotée de nouveaux talents d’émerger aux cotés de figures plus connues. Singulier parce qu’en prenant le parti, dès la fin de l’aventure King Apparatus, de se la jouer solo, avec des albums enregistrés sur 4 pistes, il promène depuis son ska et son reggae intimistes aux quatre coins du monde, libre comme l’air, enchainant les participations au grès de ses voyages avec de nombreux autres artistes.
Si ses compos sont de juteuses gourmandises en mode lo-fi, elles procurent encore bien plus de plaisir lorsqu’elles sont réarrangées comme sur « Slackness » enregistré en 2005 en compagnie des Slackers, ou bien sur les titres issus de diverses sessions qui composent la compilation « Yard Sale » sortie en 2009 avec notamment l’énorme « Everything’ll Be Allright », entouré admirablement par les Skatalites Lloyd Brevett, Lloyd Knibb et Cedric Brooks.
En 2008, c’est avec le « Chris Murray Combo », trio qu’il compose avec avec l’inévitable Chiquis Lozoya des Expanders et des futurs Volcanos à la basse, et Ben Farrar, batteur du cru présent aux débuts des excellents See Spot, qu’il se lance dans une nouvelle aventure.
« Why So Rude » est une réussite, le swing et le groove de ces deux acolytes faisant merveille sur ses compos de plus ou moins longue date comme « Michael & Anne » ou « Why So Rude » tout autant que sur quelques reprises bien senties comme ce « Magadog » de Peter Tosh, transfiguré.
C’est en toute discrétion, je ne suis d’ailleurs tombé dessus que par hasard, qu’est sorti en cette toute fin d’année un nouvel opus de ce combo si précieux, composé, une fois n’est pas coutume, à 100% de titres inédits, nommé « Buckle Up », encore une fois sur son propre label Unstrictly Roots
L’ALBUM : Elle lui va comme un gant, à Chris Murray, cette formule en trio qui est une nouvelle fois de sortie pour ce « Buckle Up » ! Tout d’abord parce qu’elle donne quand même le petit caractère en plus, un peu de poids en somme, aux titres qui peuvent sembler en manquer à certains parfois sur ses opus solo. Ensuite et surtout parce que sa musique, juste accompagnée d’une section rythmique aux talents évidents, telle une simple pincée de sel, révèle alors toutes ses saveurs.
On retrouve, dès le premier swing de cymbales, enchainé par cette basse dénuée de tout effet, tout le charme du son de « Why So Rude »… Cette direction de prod si maitrisée qu’on croirait ces titres issus de la même session.
Du ska dans son plus simple appareil, tout offert au groove de la section rythmique, il y en a du bon comme le délicat « The Voice You Never Hear », un « Buckle Up » chanté a trois voix où certains reconnaitrons une intro de basse bien connue ou encore le virevoltant « When Your Someday Come ». Tous ces titres comme « Heaven » ont cette force de rentrer dès la première écoute bien au fond du crâne, la bonne ritournelle, celle qu’on sifflote pour la journée.
Y’a aussi un p’ti bluebeat sec comme une trique, « Ain’t No Joke Bein Broke » qui balance un max, et un paquet de titres rocksteady ou reggae, où la voix de Chris est alors sur le devant de la scène, nous rappelant qu’elle est un des atouts principaux du monsieur, entre charme, douceur et caractère, une des plus belles de la scène actuelle… les chœurs s’y révèlent alors comme des instruments à part entière, lovés au creux des refrains. Le genre de p’tites beautés comme « Forget Your Love » ou «Little Bit Of Love » qui te feraient fondre n’importe quel coeur de pierre…
Y’a aussi une petite pointe de dub léger comme l’air, doux comme du velours, sur les vaporeux « Anchor » et « Ready »…
Et puis , pour que la fête soit encore plus belle, il y’a quelques invités comme Joanne Highland, déjà croisée aux côtés d’Obi Fernandez pour un « What Will Come », à deux voix, somptueux. Plus loin, Jeff Roffredo des Aggrolites accompagné de Devin Morisson des Expanders nous gâtent sur « Guns & Gold », ska nébuleux et bien speed, avec des chœurs gros comme ça, un hit en puissance.
Avec les 13 titres au compteur de ce « Buckle Up » ou rien est à jeter, Chris Murray démontre une nouvelle fois ses immenses talents de songwriter, dans le genre simple et efficace. Cette mise en forme minimaliste, bien servie par un trio à l’interprétation musicale sans faille, sur un lit d’arrangements vocaux taillées dans le diamant, en feront, à coup sûr un des tous meilleurs opus de cette année 2016.
Bronsky