MEGATIVE – Megative – Last Gang Records
UN PEU D’HISTOIRE: Ils sont cinq, ils viennent de Brooklyn, et y a quelques mois personne n’en avait entendu parler. MEGATIVE aime le reggae, le ska, le dub, The Specials, The Clash et probablement The Dead 60s et les Dub Pistols.
Emmené par Gus Van Go à la gratte, un ancien des skankers canadiens de Me Mom & Morgentaler (par ailleurs producteur des Kingpins, de The Stills ou de GrimSkunk), Megative avait commencé par mettre en ligne une reprise de « Ghetto Defendant » de The Clash début 2017, avant « More Time » quelques mois plus tard puis « Can’t Do Drugz » en mars 2018. « More Time » a d’ailleurs été remixé par Mike Skinner (The Streets) lui-même.
Le premier album éponyme du quintet vient de sortir chez les Canadiens de Last Gang Records.
LE DISQUE: La pochette annonce la couleur comme si le cliché appartenait à Gavin Watson : ça sent le punk, les faubourgs de Liverpool, la veste Harrington élimée et les virées entre potes sur une bande son reggae. Leur musique, les cinq gars de Megative la qualifient d’ailleurs de « suedehead reggae ». Pas mieux.
Côté son on l’a dit plus haut : prenez pas mal de Specials, une bonne dose de Clash, un lampée de King Tubby et un zeste de Lee Perry et vous tenez la recette de Megative, un groupe qui sent l’Angleterre à plein nez, avec du polo Fred Perry et de la Desert Boots, mais qui est composé d’Américains et de Canadiens.
En 45 minutes la messe est dite: on tient là un putain de grand album. « Beneath The Sun », fait dans le ska qui plane entre du vieux Pama International et Mouthwash, ce gigantesque groupe anglais que (presque) tout le monde a oublié. La basse se promène, sereine comme DSK dans une boite à partouze, la finesse et la grâce en plus, les voix sont douces, le tout est arrangé comme un « Ghost Town » 3.0.
Difficile de résister à « Yeah yeah yeah (yeah yeah) », plus mid-tempo avec sa descente de clavier lugubre et cette rythmique lancinante, métronomique, superbement rehaussée par un refrain à base de yeah yeah yeah tout à fait irrésistible, un peu comme sur une vieillerie de Symarip. Je craque devant tant de beauté.
Grosse impression aussi sur le skank de « Can’t Get Away » et sur cette basse qui claque à la perfection, sur ce sifflement de clavier imparable, et sur la modernité de la production qui dégaine un son assez inédit en 2018. Le « suedehead reggae » de Megative a parfois des ressemblances avec le « tropical reggae » d’Hollie Cook, et effectivement on se dit que Prince Fatty aurait pu se trouver aux manettes.
« Megative No Fear » s’inspire du « Rudies Don’t Fear » du grand Derrick Morgan, sauf que là c’est un flow ragga de toute première bourre qui prend le dessus et qui rend fou, et le quintet envoie aussi des plans un peu plus barrés, à l’instar de « Bad Advice », peut-être pas totalement digeste, ou de « One Day All This Will Be Gone » à apprécier avec de l’herbe qui fait sourire.
« Have Mercy », « More Time », « She’s Not Real » sont autant d’instants jouissifs sur un album qui l’est entièrement, mais c’est avec « Ghetto Defendant » (titre présent sur la version numérique uniquement) que le groupe vient boucler la boucle. En reprenant avec style ce grand morceau du Clash et en se l’appropriant ni trop, ni trop peu, les cinq de Brooklyn creusent un tunnel sous l’océan Atlantique qui part de Rockaway Beach pour se terminer sur les dock de Londres. On y croise des rudies défoncés, des blancs-becs qui se croient à Kingston, des putes au teint jaunâtre et des odeurs de fish and chips. On ne sait plus vraiment si on est à New York, à Notting Hill, en haut d’une tour de Toronto ou dans un coffee shop d’Amsterdam. Ce qui est certain, c’est qu’on n’est plus très loin du paradis.
Vince