RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE TOASTERS – HARD BAND FOR DEAD (Moon Ska NYC/1996)
« Rude Boy Train’s Classics« , c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois ».
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE (rappel): THE TOASTERS, c’est tout simplement l’une des plus belles références de l’histoire du ska.
Créé à New York en 1981 sous le nom de Not Bob Marley, The Toasters est indissociable de son frontman/guitariste/chanteur Rob « Bucket » Hingley, un Anglais de New York comme dirait l’autre, qui parle un peu français aussi puisqu’il a vécu à Strasbourg (son père faisait partie de l’armée anglaise).
En 1985, The Toasters sort un 45 tours éponyme, puis un autre (« Beat Up »), avant un mini album, « Recriminations », aujourd’hui collector, et embraye en 1987 avec son premier LP, « Skaboom », plusieurs fois réédité. Les disques de The Toasters sortent systématiquement sur Moon Records, le label créé par Bucket (qui sera plus tard rebaptisé Moon Ska NYC pour des questions de droits).
Autour de Bucket s’agglomère une bande de musiciens à géométrie plus ou moins variable, mais des Toasters on retiendra surtout le trompettiste Lord Sledge, les claviers Dave Barry et Dave Waldo, et surtout la doublette sax/trombone Fred Reiter et Rick Faulkner qui en 1995 sont allés former le New York Ska Jazz Ensemble.
C’est ensuite un sacré foutoir dans la discographie de The Toasters. La faute à des éditions avec des pochettes différentes dans chaque pays, à plusieurs vinyles regroupés sur un seul CD, et au label anglais Unicorn, l’un des premiers de la troisième génération, qui sort « The Naked City » en 1986 et « Poolshark » en 1987 (qui comprennent tous deux des titres déjà parus), qui réédite « Recriminations » en 1988 et qui sort le premier live du groupe, « Frankenska », en 1990. Sauf que le patron d’Unicorn a oublié de dire aux Toasters qu’il éditait ces disques, et qu’au final il s’est tiré avec la caisse sans leur verser le moindre centime. Depuis, ces albums ont disparu de la discographie officielle du combo new-yorkais.
Pour ce qui est des « vrais » albums des Toasters, ça sera « Thrill Me Up » en 88 et « This Gun For Hire » en 90. En 92 sort « New York Fever », sur Moon Records aux USA et sur Pork Pie en Europe. C’est avec ce très bon disque que The Toasters se fait un nom sur le vieux continent.
En 1994, « Dub 56 » voit le jour une fois encore sur Moon et sur Pork Pie. Ce disque, probablement le meilleur du combo, est celui de la consécration dont tout le monde reconnait les qualités. Il annonce d’ailleurs les prémices de la vague ska qui va conquérir l’Amérique à partir de 1995 (avec l’immense single « Timebomb » de Rancid).
Suivent ensuite « Hard Band For Dead » en 1996 (qui en Europe s’appelle « Two Tone Army »), et « Don’t Let The Bastards Grind You Down » en 1997 (très bon album où Jack Ruby Jr a pris le chant), qui marqueront la fin d’une époque puisque Reiter et Faulkner quittent définitivement le groupe pour se consacrer au NYSJE.
En 2000 sort le « Live In London » sur lequel Dr Ring Ding apparait en invité au trombone.
Bucket développe Moon Ska en Europe puis au Brésil, mais la maison-mère fini par faire faillite. Pas découragé pour autant, il rebondit et crée son nouveau label, Megalith Records, qui publie en 2002 « Enemy Of The System », après une première édition sur Asian Man Records. Le disque est un cran (voire deux) en dessous des précédents, et en 2005 sort le DVD « Little Hidden Secrets », avant le dernier album en date, « One More Bullet » (qui porte bien son nom) en 2007 sur Stomp Records. Là non plus, la qualité qu’on pouvait trouver sur « Dub 56 » ou sur « Hard Band For Dead » n’est plus au rendez-vous.
Différents la bels ont aussi édité des compilations un peu partout dans le monde, avec parfois pour un même disque des pochettes encore une fois différentes (« In Retrospect », History Book », « Best-of »…), et on peut aussi trouver çà et là (si on cherche bien), un « Live in Sao Paulo Brazil » et un « Live in L.A » ou encore un live au CBGB.
Bucket habite aujourd’hui en Espagne où il a installé son label. Il continue de tourner régulièrement avec un backing-band sous le nom de The Toasters, en général en formation (très) réduite (à cinq : guitare, basse, batterie, sax, trombone), mais le groupe que l’on voit aujourd’hui sur scène n’a malheureusement plus grand-chose à voir avec celui de Coolie Ranks, de Jack Ruby Jr et Fred Reiter ou de Dave Waldo. Même si aux dernières nouvelels la formation actuelle serait la meilleure depuis pas mal d’année. On verra ça le moi prochain…
LE DISQUE : The Toasters, au milieu des années 90, est une référence. Parce que Bucket gère d’une main de maître Moon Ska NYC, l’un des labels les plus importants de l’histoire du genre, et parce que le groupe, mine de rien, avait de solides arguments. Le premier d’entre-eux, on l’a dit, on le redit, c’est la qualité de la section cuivres : Sledge à la trompette, Rick Faulkner au trombone, Fred Reiter au sax. En 1992 à Nancy pour la tournée « New-York Fever » (avec les Busters !), ça avait été gigantesque. Ces trois là, c’était la dream team des cuivres, des mecs qui non seulement savaient jouer, mais avaient du feeling bien comme il faut. Quand ils sont partis quelques années plus tard s’occuper à temps plein du NYSJE, ça a forcément été moins bien. Il faut dire que Fred Reiter, le « Rocksteady » Freddie du groupe ska-jazz de la grosse pomme, est non seulement un pur musicien et un vrai show-man, mais aussi un excellent compositeur.
La preuve ici avec ce qui restera comme l’un des très grands morceaux des Toasters, le magique « Mouse », instrumental de toute première catégorie, que Freddie joue encore de nos jours avec le NYSJE. Tout y est : la rythmique métronomique, les arrangements impeccables, la classe de la production, et un sens de la mélodie qui vous scotche à chaque écoute et qui fait que vingt piges plus tard, ça n’a pas pris une ride. Une tranche majeure du ska des 90’s, tout simplement !
Quand c’est Faulkner qui se met à la compo, c’est encore assez surpuissant : « Don’t Come Running », avec son tempo endiablé, donne une irrésistible envie de chausser les loafers, d’enfiler un Fred Perry et d’aller se la donner sur la piste. Et si la compo est excellentissime, une partie des lauriers doit forcément revenir à Coolie Ranx, cet immense chanteur qui malheureusement ne faisait plus ici que quelques apparitions. Le même sur « Secret Agent Man », reprise du hit de Johnny Rivers, fait encore dans le velours, et dès la première écoute on est conquis par ce qui s’apparente à un état de grâce.
Sur « Talk Is Cheap », vieux morceau réenregistré, c’est Bucket qui se colle au micro, et si la gars est loin d’avoir le niveau vocal de son acolyte, force est de constater que là, c’était plutôt la période où l’englishman de New York se démerdait pas trop mal, parfaitement à son aise ici avec derrière une belle bande de fines gâchettes.
Quand ça reprend Prince Buster sur « Hard Man Fe Dead », c’est pas vilain du tout même si l’exercice semble un brin inutile. Par contre quand ça s’attaque au générique de Max La Menace (« Maxwell Smart »), c’est impeccable parce que la compo d’Irving Szathmary était parfaitement calibrée pour devenir un bon gros ska des familles (que le groupe jouait parfois en intro de ses concerts).
Et puis quand ça vire rocksteady et que c’est chanté par King Django (« Properly »), ça met un peu de coolitude et de respiration dans un album dans l’ensemble très énergique, et on se dit que décidément la scène new-yorkaise de ces années-là (il y a aussi Victor Rice à la production) avait bien fière allure.
Alors forcément, quand le parrain lui-même pointe le bout de son pork pie comme s’il fallait encore en ajouter à ce déluge de pointures, ça donne « Speak Your Mind », superbe enregistrement du grand Laurel Aitken qui pose sa voix reconnaissable entre mille avec style, et qui par sa simple présence adoube définitivement la belle équipe américaine.
C’était « Hard Band For Dead », c’était les Toasters de 1996, c’était Moon Ska NYC et c’était fabuleux. On espère les revoir un jour aussi inspirés.
Vince