Rude Boy Train

RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – 8°6 Crew – Bad Bad Reggae (Mad Butcher Records-1999)

poch-8%c2%a66crewbadbadreggae2014« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois… 

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : Pas sûr qu’en rencontrant Germain et Stéphane en 1995 lors d’un concert, Charly et Eric ne s’imaginaient, en fondant avec eux le 8°6 Crew, qu’il serait encore bien présent plus de vingt ans plus tard.

Si les premières compos sont street punk/oi,  ils tâtent déjà le terrain avec quelques orientations plus  ska. L’arrivée de cuivres fera naturellement son travail, et pour la première démo sortie en 97, on est à 50/50 entre ska et oi !. Ainsi, «Vieille France », « Working Class Heroes » et « Un Rôle A Jouer » paraitront sur la première compil nommée « Hate » d’Euthanasie Records alors que « Laisse Moi Rêver » prendra une bonne place sur celle de NoCo,  « Braces And Donkey ».

En 98, après pas mal de mouvements au sein du line up, notamment niveau cuivres, et une grosse série de concert, le groupe décide de stopper la oi! pour se consacrer uniquement au ska et au reggae. C’est cette même année qu’ils prennent la direction de l’Allemagne et des studios du label Mad Butcher pour enregistrer « Bad Bad Reggae » en 15 jours.

Il sort en février 99, et,  bien appuyé par pas mal de concerts des deux cotés de la frontière,  s’écoule comme des petits pains. Les 2000 premiers exemplaires sont épuisés et un nouveau tirage est lancé dès juin. Faut dire que ce qui est proposé là, entre les compos riches et bien arrangées, majoritairement du ska pêchu proche du two-tone, et les textes simples mais forts, parle à une scène en mal de ce genre de groupe, notamment par chez nous, comme à des vieux potes.

L’année 2000 sera plus calme pour le groupe qui s’attachera à travailler de nouveau titres. Et c’est au printemps 2001 que sort le maxi « Menil’ Express » chez Big8 Records avec qui ils se sont fraîchement liés. Si le morceau titre est un ska bien cuivré et  les textes, eux, toujours dans la même lignée, les 8°6 tapent cette fois plutôt dans le reggae, et le bon,  avec des titres bien lourds, comme « Marseille » ou « Numéro 1». Ils se prêtent même avec une belle réussite à l’exercice du dub, avec des versions excellentes de ces deux titres. Big 8 en profite d’ailleurs pour rééditer une nouvelle fois « Bad Bad Reggae » parfois vendu en coffret avec « Menil Express ».

En 2002, après une grosse quinzaine de concerts, le groupe prend une pause pendant laquelle pas mal de monde ira prendre l’air ailleurs, entre les excellents Acapulco Gold  pour certains cuivres, Ya Basta et la belle aventure Upten pour le clavier Iky, ou le remplacement du chanteur des amis d’Happy Kolo pour Charly… Cette parenthèse durera longtemps, trop longtemps pour beaucoup d’entre nous, même si les membres du groupe continuent de se croiser et de travailler parfois sur de nouveaux morceaux. Ils sont alors rejoints par Clément et Stom d’Upten ainsi que par le guitariste d’Happy Kolo, Ludo, embarqué dans ses bagages par Charly.

Ils ne remontent pour la première fois sur scène avec cette formation qu’en 2008,  à Genève,  devant une salle comble en compagnie des Aggrolites. La machine est relancée mais le groupe est frappé par deux fois par le deuil, avec les décès successifs de Tonio, ancien tromboniste et de Rico, ancien batteur et percussionniste attitré, et fondateur du groupe. Le successeur tant attendu de « Bad Bad Reggae » n’arrivera que fin 2010, chez Une Vie Pour Rien pour le vinyle et Mass Prod pour la version CD.

On retrouve sur « Old Reggae Friends » tous les ingrédients du succès de 8°6 : un son caractérisable, des cuivres en veux-tu en voilà et toujours des textes 100% purs rue qui régalent les fidèles… Le groupe tourne depuis lors avec Muzo de la Souris Déglinguée au sax, dans une formation qui est devenue stable… Ils annoncent un retour discographique on ne peut plus attendu d’ici quelques semaines… Mais pour être fan du Crew, il faut savoir être patient !

LE DISQUE : Je me rappelle comme si c’était hier du moment où mon regard a croisé pour la première fois cette pochette au beau milieu du rayon rock français. Cette somptueuse image en noir et blanc relevé habilement par un stickers fluo, posé là par le distrib’,  imprimé « ska et reggae » m’avait tapé dans l’oeil. Pourtant, en le payant à la caisse, je ne me doutais pas encore que son contenu allait complètement exploser mes jeunes références musicales.

La première écoute fut une claque, comme chacune des suivantes jusqu’à ce jour d’ailleurs… Dès l’intro de cuivres de ce « You Come », on chavire… Ce ska au rythme de claviers obsédant, avec ses percus lancées à corps perdu, et la voix de Charly qui a défaut d’être celle du siècle colle parfaitement au style du Crew, met la barre à une hauteur jamais atteinte jusque là par un groupe de chez nous. Et ce final où les solos s’enchainent impeccablement,  lancés par ce son de guitare si typique, nous achève comme un uppercut direct au menton.

On passera rapidement sur les trois titres oi! présents en fin de la version CD, récemment réédités en EP, même si « Working Class Hero », « Emeute » et « Un Rôle A Jouer », très efficaces, restent parmi les meilleurs titres du style dans la langue de Molière.

Car les 8°6 ont ici définitivement basculé dans la zic jamaïcaine pour notre plus grand bonheur : « Rude Boy Escape » en mode instru reggae aux cuivres surpuissants, avec son texte scandé en arrière plan et  son final entre ska et dub, est une petite pépite, alors que « Répression » est un superbe premier pas vers un reggae plus roots, au texte lourd. « Un doute qui plane » fait dans le ska sautillant bien swing avec une belle réussite et « The Pig », avec son gimmick de guitare entêtant, et son rythme alternant parfaitement entre rocksteady et two-tone vitaminé se déguste avec délectation.

Même si « Nice Town » souffre quelque peu d’un refrain peut être un peu maladroit, ses couplets au son reggae 70’s hyper cuivré et son issue en ska pêchu font finalement la rue Michel, pendant que « Harmoniska » qui ne porte pas le meilleur titre du siècle est pourtant un excellent ska instrumental, aux multiples solos, simples mais efficaces…

Il nous reste alors à évoquer ces  hymnes pour toute une génération que sont des titres comme « Prohibition »,  « Bad Bad Reggae », « Vieille France » ou « Laisse Moi Rêver ». Si ce dernier vaut particulièrement pour ses arrangements de cuivres réussis et un texte incisif, le premier cité, avec sa rythmique implacable soutenue par l’ensemble des zicos, renverra avec émotion la plupart d’entre nous à ses vieux souvenirs de rue, d’embrouilles ou de délires.

« Bad Bad Reggae » quant à lui porte son nom à merveille : ce monument de ska, au punch ravageur, toutes percus en avant, avec ses breaks rub-a-dub parfaitement maitrisés, se révèle un titre sans la moindre faille.

Et puis il y a ce « Vieille France » au texte profondément engagé et tristement d’actualité encore aujourd’hui. La compo de haut vol, la rythmique soutenue aux cuivres de bout en bout, les solos encore ici parfaitement intégrés, et l’interprétation de ce brulôt, la rage au ventre, de Charly, font de ce titre un essentiel, peut être le meilleur ska en Français encore à ce jour.

En déboulant, blancs becs aux crânes rasés de près, avec ce premier album aux influences multiples et parfaitement maitrisées, et malgré un son d’époque encore perfectible, le 8°6 Crew frappait un grand coup sur la scène ska française et au-delà…

Il aura ouvert par la même occasion, nombre d’horizons musicaux et même tout simplement culturels… Les miens en tous cas, et pour cela, il restera toujours bien plus qu’une Classic.

Bronsky

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