Rude Boy Train

RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – Byron Lee & The Dragonaires – Come Fly With Lee (Dynamic Sounds -1962)

« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : BYRON LEE est né en 1935 en Jamaïque. Comme d’autres (Leslie Kong), ses origines sont asiatiques, et c’est à Kingston qu’il monte son premier groupe comme bassiste, avant de fonder THE DRAGONAIRES en 1957. Le groupe sert dans un premeir temps de backing-band pour des artistes américains en tournée, à une époque où la Jamaïque n’est pas encore indépendante de la couronne anglaise (Sam Cooke, Chuck Berry…).

Les premières compositions du groupe sont calypso, genre à la mode dans les Caraïbes à la fin des années 50. Le premier 45 tours, « Dumplins/Kissin-Gal », est publié en 1960 sur Blue Beat Records. C’est du ska, et Byron Lee sera avec son groupe parmi les premiers à interpréter ce style à base de contretemps alors naissant. Les 45 tours sortent à la pelle : « Joy Ride » sur Dragon Breathe Records, « Mash ! Mr Lee » sur Blue Beat, « Never On Sunday Cha-Cha » sur Starline… Le combo accompagne de nombreux chanteurs: Lord Creator, Audley Williams, The Techniques, Stranger & Patsy, The Maytals, Keith & Ken… Sur l’île, les Dragonaires sont devenus une référence.

En 1962, le groupe apparaît dans « Dr No », premier James Bond adapté au cinéma, avec au chant Lord Creator lors d’une interprétation de « Jamaica Jump Up », tremplin pour une tournée américaine avec des tas d’artiste, de Prince Buster à Millie Small, des Blues Busters à Eric « Monty » Morris. Avec eux, le combo enregistre quelques-uns de ses plus fameux morceaux, qui sont aujourd’hui des standards absolus de la musique jamaïcaine : « Sammy Dead », « Oil In My Lamp », « Say Bye Bye », « Jamaica Ska », « How Sweet It Is », « I Won’t Let You Go », « Wings Of A Dove »…

Le groupe est sans arrêt en tournée à travers les Caraïbes, les USA et le Canada, à une époque où le ska connait une importante popularité. Rapidement, il va épouser les modes et suivre l’évolution de la musique jamaïcaine : après avoir commencé par le calypso puis le ska,  il fera du rocksteady au temps du rocksteady, puis du reggae au temps du reggae… et même des tonnes de soca au cours des années 80/90, avec bien souvent des copines pas très habillées sur les pochettes. Au total, Byron Lee aura publié plus de 80 albums.

Propriétaire du studio  West Indies Records Limited rebaptisé Dynamic Studio, Byron Lee est aussi connu comme producteur de Johnny Nash, Toots Hibbert ou Eric Morris…

Il nous a quittés en 2008.

LE DISQUE : Avec cet album, son deuxième, Byron Lee s’impose comme une référence absolue de la scène ska et comme un précurseur, même si à l’évidence il n’en était pas conscient à l’époque. Il faut dire qu’à la fin des 50’s, il n’y avait pas grand monde sur le créneau et que le gars et ses potes étaient arrivés avant tout le monde.

C’est pourtant avec du calypso que ça démarre, et « River Bank Jump Up » est pile ce qu’il vous faut pour être de bonne humeur le matin au réveil. Ca sent la Caraïbe à plein nez, le sable chaud et le verre de rhum bien corsé dans un bar de Montego Bay. Et forcément avec les Dragonaires, le feeling est impérial. Alors on se dit que pour la suite ça va partir en ska, et ben même pas. Le groupe s’en va reprendre le thème principal de « La Garçonnière », le film de Billy Wilder, dans une ambiance plutôt jazz à la limite de l’easy-listening.

C’est avec « Night Train » que le groupe va nous mettre du contretemps, ici très fortement teinté de jazz, avec une grosse section cuivres assez stridente arrangée comme les musiques de film de l’époque (on pense notamment à « The Man With The Golden Arm » d’Elmer Bernstein), et forcément on se dit que toute l’équipe du Western Standard Time a dû écouter ça en boucle durant ses jeunes années.

Avec « More », le gars Byron continue de passer du coq à l’âne, encore en mode jazz qui plane haut, très haut, et avec « Dan Is The Man », il signe une petite pépite calypso comme on les aime, avec toujours ce parfait alliage entre une rythmique métronomique, et des mélodies de cuivres de toute première bourre.  En empruntant « Funny (How time slips away) » à Willie Nelson, il y se la joue soul comme Wilson Pickett, autre vedette de cette époque, et il repart vers Trinidad sur « Sunjet Jump Up », et puisque c’est un jump up, vous comprendrez qu’il s’agit à nouveau de calypso enjoué comme un punk à chien au milieu d’un sound-system pouilleux de la ZAD de Notre Dame Des Landes.

C’est encore le calme qui prévaut sur « East To West », plus tout à fait jazz, pas tout à fait caribéen – on lui trouvera même des accents asiatiques – et donc assez inclassable même si parfaitement bienvenu ici, maintenant. Grosse, très grosse ambiance sur « Walk Like a Dragon », sa mélodie irrésistible et son skank imparable, avant une « Irresistible You », très ouatée, guitare solo en avant comme aurait pu le faire le grand Ernest Ranglin. Oui, mais là c’est bien le grand Byron, et on constatera que le sifflement de clavier dans la foulée est à peu près aussi jouissif à entendre.

Le disque se termine en beauté avec « Forget Her », empruntée à Tony Bennett, mais fortement transformée, et par « I Don’t Love You Anymore », parangon de pur ska impeccablement chanté par Keith & Ken, dont la voix mine de rien restera pour toujours associée aux début d’un genre qui n’avait pas fini de nous réjouir.

Dans réjouir, il y a jouir, verbe parfait pour décrire l’effet que procure le son de Byron Lee et de ses Dragonaires plus d’un demi-siècle plus tard.

Vince

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