Rude Boy Train’s Classics – LAUREL AITKEN & COURT JESTER’S CREW – JAMBOREE (Grover Records-2001)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE: Vous avez peut être déjà entendu parler de Laurel Aitken ? Allez, je chambre, bien sûr, mais Laurel Aitken est bel et bien un des incontournables monuments de la scène ska, de la musique jamaïcaine même, «The Godfather Of Ska » que personne ne peut encore ignorer et qui nous quitta trop tôt en 2005 d’un infarctus.
Ce petit (ce n’est pas une injure de le dire) immigré cubain, fait ses premières armes en Jamaïque en chantant du mento pour les touristes dans les hôtels. Il enregistre dès 1950 des titres dans ce style traditionnel dont une version du gospel «Swing Low, Sweet Chariot ». En 1958, il sort «Boogie In My Bones », très Rythm’n’blues, son premier tube qui sera un des premiers titres Jamaïcain à s’exporter en Grande Bretagne. Il rejoint alors Brixton où il n’enregistrera pas moins de 15 singles en l’espace de trois ans, principalement pour le Label Blue Beat. Son premier album, « Ska With Laurel » ne verra le jour qu’en 1965, après un court retour en Jamaïque ou il enregistrera quelques titres sous la houlette de Duke Reid, backé par les Skatalites. Il enchaîne alors un nombre incroyable de sorties sur les labels prestigieux Blue Beat, Pama, Trojan et bien d’autres, et obtient une reconnaissance internationale méritée.
Il subit le creux de la vague ska mi-70’s mais resurgit dès les débuts des années 80 surfant sur le revival de la scène provoqué par les groupes two-tone. C’est à cette période qu’il sortira ses hits «Rudie Got’s Married », « Mad About You », « Skinhead » ou encore « Sally Brown » qui en feront une des icônes du ska. Il profitera de cette image de fondateur pour filer de jolis coups de pouce, comme sa participation au premier album des Malarians, et pour continuer à tourner un peu partout dans le monde, soit en compagnie de son propre groupe, les Pressure Tenants, soit backé par les bons groupes des pays où il tourne, on pense par exemple à 100g De Têtes pour la France…
C’est de cette manière qu’à la fin des années 90, il croise les jeunes Court Jester’s Crew, signés chez Grover Records, label qui sort aussi à cette époque quelques uns des meilleurs titres du monsieur sous forme de compilation. Le feeling est si bon que Laurel est convaincu d’enregistrer enfin un nouvel album composé de quelques vieux titres dépoussiérés, de reprises et de quelques nouvelles compositions, qui sortira tout naturellement sur le même label dans, ma foi, un très joli écrin…
LE DISQUE: Je me rappelle encore aujourd’hui l’impatience éprouvée à l’époque de la sortie de ce « Jamboree »… Voyez-vous ça: une star du ska faisant son retour discographique accompagné d’un des groupes les plus en vue du moment, quelle belle promesse que cette rencontre !
Et quand on écoute le morceau titre qui ouvre l’album, on comprend tout l’à propos de l’idée : on reconnait aux premières notes de ce ska super bien balancé, le son si particulier, swing et léger, à la prod bien léchée, de ceux qui viennent tout juste de sortir un excellent « Too High For Low », mais tout autant le style et la voix inimitable du « Godfather » qui collent parfaitement au timbre des choeurs des p’tits gars de Tübingen. «Dance Wid’me » qui suit démontre que, même si la plupart des compos sont signées du seul Laurel Aitken, ce sont bien les petits allemands qui régalent et imposent leur style sur chacun des 12 titres couvrant avec un certain talent l’ensemble de la palette des musiques Jamaïcaine.
Le ska a la part belle évidement avec ce «Jamboree » d’ouverture, avec aussi une très enjouée reprise du « Brown Eyed Girl » de Van Morisson. Le court mais sautillant « Woman Is Sweeter Than Man » donne dans les cuivres entêtants avec un pur solo de guitare bien envoyé. Mais il y a surtout LA perle de la galette, « Cockroach », seul titre signé par un des membres de CJC qui, avec son rythme soutenu par un piano endiablé, son chorus de cuivres parfait et son refrain repris en chœur, est une véritable démonstration d’excellence.
On trouve aussi du bon rocksteady comme le bien nommé « Get Ready Rocksteady » introduit par un toast percutant, avec une double rythmique guitare qui assure bien, « Rudeboy Is Back In Town » sorte de remix d’ «A Message To You Rudy » à la sauce Aitken et les sympathiques « Pretty Baby » ou «Rudeboy Dream ». On pourra aussi souligner le reggae tout en douceur « I’m Still In Love With You Girl » qui conclut l’album , mais aussi et surtout la reprise très réussie de Curtis Mayfield de « We The People Who Are Darker Than Blue » nommé ici plus simplement « We People », sorte de «LKJ style » bien gaulé, ou tout le talent de CJC, d’un clavier entêtant aux lignes de cuivres sombres tout en retenue, s’exprime pleinement sur un texte quasi -scandé qui va comme un gant au bon Laurel…
Ce « Jamboree », s’il ne révolutionna pas l’histoire du Ska, ni même celle de la carrière de Laurel Aitken, n’en reste pas moins une saillie atypique dans son énorme discographie. Une collaboration donnant-donnant qui nous offrit un excellent album confirmant Court Jester ‘s Crew comme un des meilleurs groupes de son époque et permettant au parrain du ska de ne jamais avoir semblé si moderne.
Si jamais par malheur vous êtes passés à travers à l’époque, je ne saurais que trop vous conseiller d’y jeter une oreille. Pour les autres, il est grand temps de le ressortir du placard car il n’a pas pris une seule ride…
Bronsky
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