Rude Boy Train’s Classics – Soul Invaders – Chapter One (Banana Juice/Redheadman – 2005)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE: Les SOUL INVADERS resteront comme un ovni de l’histoire de la scène ska Française. Ovni parce que la musique du groupe, solidement appuyée sur une costaude section cuivre avec sax baryton et flûte traversière omniprésents, un chant au caractère plutôt trempé, et des compos mélanges de skin reggae, reggae, ska, soul et funk avec même quelques influences afro, ne ressemble a rien de ce que l’on avait pu produire par chez nous jusque là…
Ovni aussi par sa trajectoire: sorti de quasi nulle-part, même si localisés vers Belleville dès l’année 2002, ils joueront une poignée de sets, reconnus de haut vol, comme au Dance Ska La en 2004, sortiront ce fameux «Chapter One » en 2005 sous l’égide de Banana Juice et de Redheadman pour le vinyle, puis disparaîtrons presque aussi vite sans laisser d’adresse, et ce, à notre plus grand regret.
LE DISQUE : Il suffit d’entendre les premières notes de « Lost And Gone » en ouverture de ce « Chapter One » pour comprendre que ce groupe sortait naturellement du rang… La structure est complexe, valsant entre reggae et soul, habilement relevée de clapping. Le chorus cuivre est marqué de l’empreinte du sax baryton mais aussi de celle de la flûte, entêtante.
C’est d’ailleurs le son de cette section vent, à la composition assez rare, qui fait tout le caractère des Soul Invaders, ainsi que cette voix au timbre éraillé et souvent sombre. « Muhammad Ali » qui suit est un pur two-tone, sûrement un des meilleurs jamais composés dans notre belle contrée… La rythmique implacable et cuivrée et le texte scandé tel un enchaînement d’uppercuts du fameux boxeur en font une bien belle machine à skanker.
Mais Les Soul Invaders savent varier les plaisirs et nous balancent des titres funk très roots comme « King Suckerman part 1 » référence a l’œuvre de l’auteur de polar Georges Pelecanos, ou «Kangaroo Boogaloo», un instru de haut vol, alors que «Too Hot » ou le titre « Moon Hop » de fin basculent clairement vers la soul… « Belleville », reggae bien puissant, hommage au quartier d’origine du groupe, semble sorti tout droit d’«Aux Armes, Et Caetera » de Gainsbourg, trio basse/batterie/clavier en avant, alors « King Suckerman Part 2 » aurait plutôt des airs de «J’aime regarder les filles », les cuivres en bonus sur les deux titres…
Et comme pour démontrer l’étendue de leur talent, le très slackness early « Virtual Girl » et le léger rocksteady « Lovers’ Rock » aux mélodies soignées donnent parfaitement le change au ska poisseux de « Pancho Villa » et au ténébreux reggae « Rude Boy Anthem », quatre des plus belles réussites de cet album.
Si on ajoute à tout cela une production aux petits oignons, d’un niveau plutôt rare par chez nous à cette époque et un artwork au top, psyché a souhait, signé Zi Infams, bien connu des amateurs de soirées Banana Juice, on tient bel et bien là un incontournable, un « classique » dirons nous pour l’occasion.
Bronsky