RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE DUALERS – Melting Pot (2006-Galley Music)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac’ de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : Quand, au beau milieu des années 60, Bill Cranstoun revient de Jamaïque avec ses skeuds sous le bras et lance son Savoy Sound System pour balancer du reggae et du ska dans les clubs de Londres, il ne se doute pas que ses deux futurs rejetons créeraient, une poignée d’années plus tard, un des plus emblématiques groupes de ska de sa génération. Forcément biberonnés aux Skatalites, Stranger Cole, Blues Busters mais aussi au Sam Cooke et autre Otis Redding, c’est tout naturellement que Si et Tyber se dirigent vers la Guidhall School of Music and Drama, une des plus prestigieuses écoles d’arts du spectacle du pays. L’aventure The Dualers débute en 99, quand les deux frangins commencent à « busker » aux quatre coins de Londres sur des bandes enregistrées et des accords de guitare acoustique. Les qualités vocales du duo, bien au-dessus de la moyenne et un sens du show évident leurs amènent rapidement une belle popularité.
En complète autoprod, ils enregistrent dès lors, en mode « do it yourself » et au rythme assez fou d’un album tous les ans ! Les deux « Vintage Versions » volume 1 et 2, tout d’abord, qui leur permettent de créer leur propre label Galley Music, puis « Rhymes & Rythms »… Ce succès reste malheureusement cantonné au Royaume Uni, même si l’on commence à entendre parler d’eux au-delà de la Manche.
Ce n’est qu’en 2006 avec la sortie de « Melting Pot », mais aussi grâce au développement de la toile, qu’on entend vraiment parler d’eux par chez nous… Il faut dire qu’avec des titres comme « Kiss On The Lipps » ou la reprise de « Truly Madly Deeply » ils arrivent à grimper de fort belle manière dans les charts UK. Malgré des tournées sold out partout en Grande Bretagne, on n’aura que trop peu l’occasion de les croiser en Europe, même si certains chanceux auront pu apprécier le show formidable donné au Dance Ska La a Rennes en 2007. « Cooking Pot » sort en 2009, tout aussi fameux, et la tournée qui suit est un triomphe, couronnée par un album « Live At The Indigo » en 2010.
C’est ce moment que choisi Si pour quitter le groupe, ses envies de soul et de rythm’n’blues l’emmenant naturellement vers une carrière solo qui s’avérera tout aussi réussie. Mais Tyber n’abandonne pas The Dualers pour autant, redouble même d’effort et continue de sortir un skeud par an, on citera dans l’ordre d’apparition « With Respect » un album de reprises, tout comme « Prince Buster Shakedown », puis retour aux compos avec « Rewind » et un « Back To Paradise » sorti en 2014 plutôt fameux… pendant ces années il peaufine son groupe et sa complicité avec Peter Lee, son lead guitar et choriste qui reprend peu à peu le rôle du frangin.
Aujourd’hui, le groupe annonce un nouvel album en 2019, et la tournée qui s’annonce cette même année est déjà quasi sold out… Une sacré belle histoire !
LE DISQUE : Encore un bon pain de nostalgie en plein dans les gencives en vous parlant ici des Dualers… Celle d’une formidable soirée d’hiver à l’Antipode, en découvrant le formidable show du duo des frangins Tyber et Si Cranstoun, celle du plaisir des innombrables écoutes de ce « Melting Pot », toujours un de mes disques favoris, toutes périodes confondues, encore aujourd’hui…
Il est pourtant pas parfait cet album… A l’image de « Money », qui fait l’ouverture ici, un bon tiers des titres est enregistré en mode low-fi, acoustique brut de pomme, sans le moindre polissage… Sauf que la chanson est impeccable, fun et dansante et que ce qui pourrait être un défaut lui donne tout son charme… Dans la même veine, on citera « Jack The Ripper » aux cuivres essentiels, qui semble être enregistré en une prise sur trois ou quatre micros, « Kiss On The Lips », un de leurs hits, avec sa guitare bien funky et son refrain à deux voix somptueux ou bien encore la reprise pêchue de « I Won’t Let You Go » des Bluesbusters.
Le curseur de la production est quand même poussé un peu plus haut sur des titres 60’s plus trads, avec des arrangements de cuivres plus léchés, comme sur l’excellent « Ain’t That A Shame », ou « Last Call To Freedom », un instru juste relevé d’un refrain, merveilleusement mélancolique.
A côté de ça, on a tout l’inverse sur un second tiers du skeud: des titres au gros son et aux rythmiques quasi hip-hop, comme « Stole The Show » qui défonce tout avec son piano vintage et ses cuivres surpuissants… « Take A Trip » ou « Don’t Go » aux orientations beaucoup plus ska 60’s ont le droit eux aussi à leur traitement sonore survitaminé, et nous offrent deux bombes de dancefloor capable de pousser mémé à guincher dans les orties !
Pour le dernier tiers, deux pures ballades, « Urban Spirit » et « Long Time » viennent se poser là tranquilles, nous laissant déguster simplement la beauté des voix des deux frangins, alors que « Finaly Your Day Has Come », reggae aux nuances sombres est assez finement arrangé. «A Wake Up » fait dans l’early reggae funky avec un certain bonheur, et « What A Result », à mi-chemin entre 60’s et two-tone régale avec son refrain génial…
Non vraiment, malgré ses nombreuses aspérités, ce « Melting Pot » qui porte formidablement son nom ne rappelle que des bons souvenirs et se laisse aujourd’hui encore et encore déguster jusqu’à plus soif… Des albums comme ça valent largement leur classic chez Rude Boy Train !
Bronsky