RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – THE SLACKERS – Peculiar (Hellcat Records/2006)
« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…
UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : Depuis plus de vingt ans, THE SLACKERS, à force d’albums impeccables et de tournées incessantes à travers le monde est devenus une référence de la scène ska mondiale…
Le groupe naît à New York en 1991 autour du talentueux clavier et chanteur Vic Ruggiero… Ils jouent à l’époque un two-tone mêlé de garage rock et de quelques touches de rocksteady. C’est rugueux, dynamique, mais loin des merveilles dont le groupe va se révéler capable. En 1996 alors que Dave Hillyard vient de quitter sa Californie natale et le groupe Hepcat pour les rejoindre, ils enregistrent, « Better Late Than Never », produit par Victor Rice, qui définit les premiers contours de ce que sera le son des Slackers, proche des racines jamaïcaine, mais sous forte influence soul et blues. D’emblée le groupe en impose avec des titres comme « Sooner or Later », entraînant, « You Don’t Know I », ou « Sarah » encore souvent repris en live aujourd’hui. Ils signent alors chez Hellcat Records en plein boum punk et ska outre Atlantique.
« Redlight » sort en 1997, à peine un an après leur premier effort. Les titres « Cooking For Tommy », hommage puissant à Tommy Mc Cook, « Married Girl », « She Wants To Be Alone », premier essai très réussi d’auteur et de chanteur du trompettiste Jeremy Mushlin, ou bien le somptueux reggae « Rude and Reckless » donnent le ton : ce groupe sera un des plus créatifs et talentueux de la scène ska US .
La sortie de « The Question », en 1998 salue l’arrivée de Glen Pine, transfuge du groupe de Boston Pressure Cooker et le passage d’un nouveau cap. La maturité est là et tout le monde participe à l’écriture. La livraison est monumentale : 19 titres, 19 tubes dont l’incontournable « Have The Time » qui conclue aujourd’hui la quasi-totalité de leurs sets. Signalons aussi les titres « Mountain Side » superbe mento qui révèle le potentiel du nouveau venu Glen Pine au Chant, « Motor City », bien nommé ska qui ronronne comme un V12 .
En 2000, ils sortent un « Live at Ernesto’s », petit resto Tex Mex de la bourgade Hollandaise de Sittard qui sonne comme un coup de poing dans l’abdomen… Seize de leurs meilleurs titres d’alors qui rendent parfaitement l’atmosphère de ce qu’est un set des Slackers : maîtrise technique, plaisir de jouer, sens du spectacle inné et proximité avec ses fans. Suit alors le fameux « Wasted Days » en 2001, dont la finesse des arrangements les sortira de la catégorie simple « groupe de ska »…
La suite de leur œuvre est pléthorique : « Close My Eyes » en 2003, un album collectif « Slackers and Friends » avec les Congos, Cornell Campbell, Susan Cadogan, Doreen Shaffer et Chris Murray, une participation sur un album complet « Slackness » avec ce même Chris Murray, un album Live, toujours à l’Ernesto’s de Sittard, (« Upsettin Ernesto’s ») explosif avec Glen Adams et Susan Cadogan ou apparaît pour la première fois la reprise de Sam Cooke, « Cupid », que reprend magistralement Glen Pine. Et même un album 100% Dub, « An Afternoon in Dub » des plus réussis. Sans compter quelques EP et autres spli et même un « Slack In Japan », troisième album live du groupe.
TJ Scanlon le guitariste, Luis Zuluaga le batteur, ont pendant cette période quitté le groupe, Jay Nugent, naturellement, et Ara Babajian leur succèdent à partir de l’album « Peculiar » en 2006. Mark « Qmax » Lynn chanteur et choriste part sans être remplacé mais Glen Pine reprend le flambeau et partage le lead vocal à part égale avec Vic Ruggiero.
L’influence de ce changement de line up se fait fortement ressentir sur le son Slackers, mais les compos sont toujours aussi réussies. Avec pour la première fois une incursion purement soul, « Set The Girl Free » et une reprise de Dylan « I Shall Be Released » en version reggae trahissant le goût prononcé de Vic Ruggiero pour le folk qu’il exprime pleinement en solo. Le rythme des sorties ne faiblit pas, « Boss Harmony Sessions » en 2007, « Self Medication » en 2008, la compilation de raretés et de versions alternatives spécialement enregistrées pour l’occasion « Lost and found » en 2009, « The Great Rocksteady Swindle » en 2010, « The Radio » en 2011 composé essentiellement de reprises dont la curiosité « Like A Virgin » de Madonna en version reggae, et le tout dernier, « My Bed Is A Boat » (un EP), complètent cette époustouflante carrière discographique.
LE DISQUE : « Peculiar » est le premier album studio avec Ara Babajian à la batterie et Agent Jay à la guitare. TJ Scanlon, le guitariste précédent est quand même présent sur deux titres et Marq Lyn (l’ancien chanteur) fait des backing vocals avec Alex Desert, le chanteur de Hepcat. Ce superbe album reprend en plus les cinq titres du EP « International » War Criminal dans des versions différentes.
Posé sur ma platine. Claque directe en pleine tête. Du ska parfois rond comme une queue de pelle, parfois sec comme un coup de trique. Et toujours ce feeling à tomber à la renverse. Allons direct voir du côté de la chanson qui donne son titre au disque, « Peculiar », un ska rapide qui transporte une joie que Mylène Farmer, même avec un bon coup dans le nez ne connaîtra probablement jamais. Gros son de cuivres, contretemps qui sautille à l’ancienne, voix soul t’as-jamais-vu-ça-comme-c’est-bien, t’as envie de te lever fissa plus vite que pour aller manger des Danette.
Sur « What went wrong », Glen Pine se la joue soul et se prend un chouilla pour Jackie Wilson et il a juste la classe le mec ! C’est clair, Pine est un chanteur soul qui s’ignore.
Evidemment, cet album est aussi celui où le groupe fait part de son engagement avec des titres comme« International war criminal » (« The Weapons of destructions are gasoline and petroleum »), dans une version plus lente que sur leur EP ; ou le menaçant reggae « Propaganda », lui aussi clairement dirigé contre l’administration Bush. En fait les Slackers en disent certainement autant avec cet album qu’un Anti Flag. Ils font seulement moins de barouf autour de tout ça.
« 86 the mayo » qui ouvre le disque, un petit ska bien bien roots plein de finesse avec des chœurs houlala à faire monter des frissons dans le dos. Enfin tu vois, les Slackers c’est la classe américaine en costard un peu rétro, pas des rastamen avec des grosses dreads cradoques et des sapes en chanvre, nan… Là c’est pas le cirque Pinder. Pourtant l’artwork est sur le thème du cirque et il est assez irréprochable.
Les lascars nous collent une reprise de Bob Dylan en dernière piste, « I shall be released » et c’est encore du grand art. Ce son de clavier est juste incroyable. Cette voix, ces chœurs, ces arrangements en font l’un des meilleurs titres de la disco du groupe. Pas moins. Impressionnant. J’adhère à 100 %. Même que s’ils étaient satanistes, ben j’irai de ce pas sacrifier des poulets dans mon jardin…
Vince (bio signée Bronsky)