Rude Boy Train

RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – TOOTS AND THE MAYTALS – Sweet And Dandy (Beverley’s Records-1969)

Tapa« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! Rendez-vous le premier vendredi de chaque mois…

UN PEU(BEAUCOUP) D’HISTOIRE : Quand on part pour attaquer une classic sur un album d’un groupe aussi incontournable que les Maytals, on s’arrache le peu de cheveux qui nous reste à l’idée de se taper la bio… Alors je vais ici tenter de faire court.

Frederick « Toots » Hibbert est né à May Pen en Jamaique et chante dès son plus jeune âge du Gospel dans sa paroisse. Il déménage à Kingston à l’âge de 5 ans. Il y rencontre, pendant son adolescence, deux autres chanteurs, Henry « Raleigh » Gorgon et Nathaniel « Jerry » Matthias avec qui il forme un groupe qui enregistre plusieurs titres perdus car souvent attribués par erreur à d’autres groupes plus en vue du moment.

Repérés par Coxsone Dodd, ils passent chez Studio One pendant presque deux ans, enregistrant au passage leur premier album, « Never Grow Old », backés forcément par  les Skatalites locaux. Le disque est excellent, à l’image du morceau titre, carrément incontournable encore aujourd’hui et les Maytals font un peu d’ombre au trio leader du moment, les Wailers.

 Ils rejoignent ensuite Prince Buster pour une poignée de 45t accompagnés des Buster All Stars, puis Byron Lee à partir de 1966. C’est avec lui qu’ils sortent leur second album, « The Sensational Maytals », composé essentiellement de titres  ska  au top, comme « It’s You », « Never You Change » ou « Fever » accompagnés de titre soul un poil sirupeux, dans la lignée de leurs inspirations américaines. Avec « Bam Bam », ils remportent leur première récompense avec le prix de la chanson populaire du Festival de l’Indépendance de la Jamaïque. La carrière du groupe se trouve alors malheureusement interrompue par l’incarcération de Toots pour possession de marijuana, faits qu’il ne cessera de contester.

Sa sortie ne se fera qu’au bout des 18 mois prévus par sa peine mais le groupe se relance malgré tout sous la houlette d’un nouveau producteur, Leslie Kong… La musique Jamaïcaine est en pleine évolution et Kong trouve le son qui colle parfaitement aux textes tous écrit par Hibbert, un early reggae aux basses et aux guitares légèrement funky… Les tubes s’enchaînent avec des titres comme « Do The Reggay » qui rentrera dans la légende pour être la première apparition de ce mot dans une chanson.

Pour l’album issu de ces premières sessions avec leur nouveau producteur, à l’instar de nombreux autres trios de l’époque, le groupe devient Toots & The Maytals. « Sweet And Dandy » sort en 1969 et contient quelques uns des plus grands hits de toute l’histoire de la musique Jamaïcaine avec « Pressure Drop » ou « 54-46(That’s My Number ) » inspiré par ces mois d’emprisonnement.

Bizarrerie de l’époque, alors qu’il figurait déjà sur ce « Sweet And Dandy », ce n’est qu’à la sortie de l’album du même nom que  « Monkey Man » en 1970 devient leur premier succès international, à nouveau sous le simple nom de Maytals ! Ils signent ensuite chez Island Records dont il deviennent un des piliers avec des succès comme « Pomps & Pride ». Il apparaissent avec deux titres sur la BO du légendaire « The Harder They Come » et empilent les années suivantes les hits internationaux avec « Funky Kingston » ou encore « Reggae Got Soul » dans ce style inimitable entre funk et reggae… Certains de leurs titres retrouveront le devant de la scène grâce aux nombreuses reprises par les groupes de la vague Two-Tone , comme les Specials qui reprirent   « Monkey man »  ou par des groupes emblèmatiques de l’époque comme les Clash avec « Pressure Drop » 

Le groupe se sépare en 1982 après la sortie de « Knockout » mais Toots continue de tourner sous le nom de Toots & The Maytals jusqu’à aujourd’hui… Son album  « True Love » enregistré en 2004 avec une pléïade de pointures aux horizons diverses comme Willie Nelson, Keith Richards, No Doubt, Manu Chao ou encore Ben Harper est un régal et un vrai succès commercial, nous remémorant la qualité des compos de Hibbert. Il continue à sortir des albums parfois plus anecdotiques mais jamais médiocres et a remplir des salles partout dans le monde dans les années 2000 … Il faut dire que ce Toots Hibbert est une véritable bête de scène à voir au moins une fois dans sa vie. C’est d’ailleurs sur scène qu’il est blessé en 2013 par un jet de bouteille… Il annulera alors toutes ses dates prévues et gardera  le silence jusqu’à cet été, ou il repointe le bout de son nez aux quatre coins du monde, surtout sur des grosses scènes.

 LE DISQUE : Pas facile de garder la tête assez froide pour pondre une classic sur un des albums incontournables de la musique Jamaïcaine. Pourtant, difficile aussi de résister a l’écoute des tubes qui composent ce « Sweet & Dandy ».

En 1969, le ska est le style au firmament en Jamaïque… Mais quelques nouveaux producteurs comme Leslie Kong, ouvrent  quelques brèches vers une musique ou le rythme ralentit peu à peu, où les claviers, les basses et les guitares prennent le dessus sur les cuivres… Cet early reggae, appelons le comme cela,  colle comme un gant aux titres du trio The Maytals, qui prendra pour une première fois à l’occasion de la sortie de  « Sweet & Dandy » le nom de Toots & The Maytals. Comme à l’accoutumée à cette époque en Jamaïque, il s’agit ici en fait d’une compilation de 45t déjà sortis, issus de différentes sessions , ce qui s’entend clairement sur certains titres…

Mais qu’il commence fort ce skeud avec ce « Monkey Man », devenu aujourd’hui classique des classiques ! Faut dire qu’avec sa rythmique relevée par ce gimmick addictif basse-guitare, le truc qui s’insinue dans ton crane aussi rapidement qu’un  « It’s A Small world » de Disney, le groupe vise en plein mil ! Et comme là-dessus, la voix de Toots Hibbert, qui s’impose alors comme le leader incontestable du groupe, vient poser un refrain imparable, le titre est si immédiat qu’il reste un des plus repris encore aujourd’hui… Derrière, le « Pressure Drop » est du même acabit… Sur un rythme un poil plus relevé et dansant, presque hypnotique,   le trio révèle tout son art du refrain facile. De la mélodie tout juste fredonnée en ouverture jusqu’au refrain puissant en passant par le couplet répété jusqu’à plus soif, tout est ici vocalement parfait…

Il y a aussi l’extraordinaire « 54-46 » sur cette galette, inspirée de l’incarcération contestée d’Hibbert, à la ligne de basse discrètement funky où il semble littéralement crier son sentiment d’injustice à travers ses barreaux… Un titre monstrueux, dont on se demande s’il pouvait se douter qu’il deviendrait encore jusqu’à aujourd’hui la bombe qu’il est en live, avec son passage de scat inimitable.

Bon, ok, il y a aussi comme sur la plupart des albums des artistes de l’époque, comme pour bien montrer d’où viennent leurs inspirations, trois titres typiquement soul US, mais en version slow un peu une peu trop sucrées, j’ai cité « I Shall Be Free » , « I Need Your Love » et « You Are Traitor » pas dégueux, mais qui, au final, n’apporteront pas grand-chose.

Par contre, les Maytals nous proposent ici les premières bases de ce qui deviendra pour le monde entier le reggae, sur un « We Shall Overcome » au tempo un cran plus lent, aux cuivres succins mais juste à propos pour souligner le refrain excellent. « Night  & Day » en est un autre exemple, encore plus appuyé, avec sa ligne de basse plus sombre et son piano entêtant…

Si on ajoute parmi la poignée des titres restants, le délicieux « Bla-Bla-Bla » à la guitare virevoltante, « Just Tell Me » qui balance encore un max, l’incontournable morceau titre « Sweet & Dandy », merveille vocale, magnifiquement souligné d’orgue Hammond comme l’est la petite perle « Adelina », dansante à souhait, cette petite tranche de vinyle se révèle bel et bien comme un monument de la musique jamaïcaine, une toute petite pièce pourtant, du puzzle constituant  l’immense carrière du groupe.

Définitivement une des inspirations essentielles pour tous ceux qui ont joué, jouent ou jouerons du reggae un jour dans leur vie.

Un « Classic » incontournable, que vous allez vous empressez de dépoussiérer ou,  pour les plus jeunes, « google-iser » et qui, je l’espère, vous procurera comme à moi, près de 50 ans après sa sortie, une bonne grosse dose de bonheur musical !

 Bronsky

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