THE BUSTERS – Straight Ahead – Ska Revolution Records
UN PEU D’HISTOIRE: Wiesloch, près d’Heidelberg. c’est là que tout démarre en 1987. THE BUSTERS, c’est bientôt un tiers de siècle de ska, sans le moindre split, sans le moindre hiatus, sans la moindre chute de régime. Des changements de line-up par contre, il y en a eu. The Busters a presque toujours été un groupe à deux chanteurs, avec notamment l’exceptionnelle paire des débuts (jusqu’à « Sexy Money »), Thomas Scholz et Klaus Huber, et puis bien sûr il y avait, jusqu’en 2000, le compositeur et bassiste Markus Grittner…
Treize albums en 28 ans, trois live, un superbe best-of en 1997 avec les morceaux entièrement réenregistrés (« Boost Best »), des concerts à la tonne (mais surtout en Allemagne où le groupe a connu pas mal de succès), trois premiers disques archi-cultes et une rencontre au sommet avec Laurel Aitken en 1989. The Busters a sorti ses albums sur WeserLabel, puis sur Sony Music, Dogsteady et Ska Revolution Records, le label créé pour le groupe par Markus Schramhauser, l’un des deux claviers.
Aujourd’hui, The Busters compte toujours en son sein cinq musiciens qui sont présents depuis les (presque) débuts, et a été rejoint au chant par un certain Dr Ring Ding, co-chanteur officiel du combo sur « Supersonic Eskalator », album publié en 2015 sur Ska Revolution Records. Début 2017, le groupe publie son quatrième live « Ska Bang 87 », dernier disque avec Ron Marsman au chant (après 4 albums), qui est remplacé sur « Straight Ahead » sorti en novembre par l’excellent Joe Ibrahim.
LE DISQUE: Après 30 ans de bons et loyaux services et après quatorze albums, on pouvait penser que The Busters était un groupe fatigué, usé, à bout de souffle, et que le quatorzième opus n’allait rien apporter à une carrière déjà très riche, dont les débuts furent exemplaires. C’était oublier que ce groupe-là compte en son sein quelques excellent musiciens et d’habiles compositeurs, que les changements incessants de line-up n’ont jamais réussi à totalement déstabiliser. Surtout, le combo de Wiesloch a eu l’idée assez géniale de recruter il y a quelques années un certains Richard A. Jung, chanteur-tromboniste franco-allemand plus connu par son nom de scène : Dr Ring Ding.
Car Dr Ring Ding n’y est pas allée de main morte sur ce nouvel opus, en étant l’auteur ou le co-auteur de neuf des dix-sept morceaux. Et il est tout simplement incontestable qu’en plus de sa voix, de son phrasé et de son feeling toujours aussi gigantesque, le (presque) Douaisien a apporté aux Busters un sens très sûr du songwriting qui fait ici des étincelles.
Il est ainsi tout juste impossible de résister à la classe internationale d’un titre comme « The Best Of Times », qui aurait pu avoir été écrit pour moi-même. Ca parle de notre (de votre) amour du ska, de celui qu’on a découvert il y a 20, 30 ou bientôt 40 ans (ça va dépendre de votre âge) avec The Specials, The Selecter, Madness, The Beat et tous les autres. Dr Ring Ding avait ce son-là dans son walkman et il le raconte mieux que personne. « Nos histoires d’amour sont les mêmes, comme si nous avions pratiqué dans des piscines parallèles, la natation synchronisée » aurait dit Vincent Delerm. C’est exactement ça qui se passe ici. J’ai l’impression que Richie et moi nous avons vécu la même chose, que nous avons eu les même envies, les même passions et les même amours à peu près au même moment.
Et quand on écoute « Chase Them », autre morceau entièrement composé par le Docteur, on est forcé de se souvenir de ces concerts où quelques rasés bas de front débarquaient avec leurs croix celtiques pour faire chier tout le monde. On avait juste envie, et Dr Ring Ding l’exprime mieux que personne, de « chase these boneheads out of here« . Le tempo est très rapide, le refrain est hallucinant d’efficacité, les riffs de cuivres sont surpuissants, et The Busters prouve qu’en 2017 il n’a rien oublié de sa légendaire recette pour pondre le meilleur ska revival du monde.
On pourrait aussi se dire que c’est bien beau, mais que ça doit moins bien tenir la route quand c’est composé ou chanté par les autres. Et bien pas du tout. La faute à Joe Ibrahim, nouveau chanteur dont la voix ressemble à celle de celui de Less Than Jake. Apparemment ça doit être lui le plus jeune du groupe, et il semble évident qu’il a dû assez souvent poser son oreille sur le son ska-punk made in USA. Le cousinage avec le groupe de Gainesville est très net sur la très énergique « Late Night Jamboree » qui ouvre le bal avec style, et on applaudit des deux mains quand c’est du niveau de « See The Light », voix pop, contretemps imparable taillé pour le skank, refrain aux petits oignons, et accélération punk au faire chialer Sauron tellement c’est beau.
Sur les 17 titres que compte ce « Straight Ahead », on remarquera juste une petite fausse note, « T.I.N.A to ska », trop basique, trop pantouflarde, dont l’absence aurait rendu absolument parfait cet album hors du commun.
Mais c’est pas ça qui viendra ternir le sentiment de réussite totale qui se dégage de ce disque, qui n’hésite pas avec « Bailamos » à nous apporter quelques bien agréables sonorités latines, ou à nous mettre dans une ambiance plus sixties, plus jazz, plus swing avec l’excellente « Hunky Dory » (encore signée Richard A. Jung).
On ne va pas non plus vous parler de « Ska Is… », de « Love and Prayer Mania » ou de « Winsdom Weed » qui ferme la marche, petites pépites très bustersiennes qui contribuent à donner au chaland ce qu’il était venu chercher : du ska roboratif, joyeux, énergique et uptempo, mais aussi de l’émotion, de la finesse et un brin de nostalgie.
Il y a tout ça dans le quatorzième album des Busters. Et c’est juste incroyable de voir qu’après trois décennies, ces onze-là sont encore capables de sortir un disque d’un tel niveau.
Toujours vivants, toujours debout. The Busters est toujours en 2017 le groupe numéro 1.
Vince