Rude Boy Train

The Lee Thompson Ska Orchestra – The Benevolence Of Sister Mary Ignatus – Axe Attack

UN PEU D’HISTOIRE : Ça fait presque 35 ans que LEE THOMPSON est le saxophoniste de Madness. Mais en plus de Madness, le gars a monté plusieurs groupes plus ou moins actifs, plus ou moins connus : The Nutty Boys/Crunch, Dance Brigade, The Camden Cowboys… et donc THE LEE THOMPSON SKA ORCHESTRA, combo qu’il a mis sur pied début 2011 et dans lequel on retrouve Mark Bedford, bassiste de Madness. En 2012, le groupe donne un concert en France au festival Reggae Sun Ska, pendant qu’un premier album est enregistré à Brighton dans le studio de Mike Pellanconi, plus connu sous le nom de Prince Fatty.

Il faudra pourtant attendre juin 2013 pour voir le premier album du Lee Thompson Ska Orchestra, intitulé « The Benevolence Of Sister Mary Ignatus », arriver dans les bacs d’Angleterre et d’ailleurs sur Axe Attack records, précédé par le single « Fu Manchu ». Le disque, composé de douze reprises, revisite la patrimoine ska/rocksteady/reggae jamaïcain (mais pas que).

LE DISQUE : Voilà une galette de j’attendais de pied ferme. Lee Thompson est quand même un personnage incontournable de la scène ska mondiale, en plus d’être le membre d’un groupe extrêmement populaire outre-Manche. Et l’écoute de « Fu Manchu », empruntée à Desmond Dekker avec le soulman Bitty Mc Lean au chant m’avait mis l’eau à la bouche.

Douze titres donc, douze reprises, avec beaucoup de son jamaïcain et quelques emprunts au jazz, au rock ou à la soul. Ça commence avec « Guns Fever », de Baba Brooks, assez classiquement interprétée avec un son moderne, là ou l’originale publiée en 1965 par Treasure Isle était pleine de tchick tchick tchick tchick typiques des sixties.

Et le groupe de rester dans la même époque en reprenant juste après « Bangarang » de Stranger Cole (et Lester Sterling). « Bangarang », c’est ce que l’on appelle un classique, un vrai, un pur, un classique parmi les classiques. Et là aussi, on constate que l’interprétation de l’orchestre est ordinaire, plus moderne, plus froide aussi, moins trainante, moins roots, moins gorgée du charme et de la finesse qui faisaient tout l’intérêt de la version de Stranger Cole. De la limite des reprises…

Quand le LTSO sort du registre jamaïcain, c’est pour reprendre le thème de Mission Impossible et d’en proposer un lecture plus lente, plus reggae, plus jazzy que celle d’Akira Tatsumi par exemple, mais tout aussi intéressante (voir plus), ou pour réinterpréter « Midnight Rider » de l’Allmann Brother Band, un groupe de pur blues-rock du sud des USA, titre déjà repris en son temps par Bad Manners, que le combo de Thommo reprend ici en version rocksteady chaloupée de bien belle facture. Ici un emprunt à James Brown, « Hot Reggae » (tiré de Hot Pants »), dans une ambiance très early seventies avec le crâne rasé et des bretelles sur le sta-prest, là une version du « Hello Josephine » de Fats Domino, qui commence comme du Wailers et qui se termine comme du jazz New-Orleans avec une belle section cuivres et un piano virevoltant, et « Soul Serenade », d’après King Curtis et Luther Dixon, bien vintage, avec un sifflement de clavier entêtant et une atmosphère qu’on aurait pu retrouver, cuivres exceptés, sur un opus de The Aggrolites ou de The Bullets.

Lee Thompson a donc eu la bonne idée de ne pas se contenter de singer le répertoire jamaïcain, mais d’aller voir un peu ailleurs ce qu’il y avait de bon à adapter. Et pour revenir à ses bases, à ses racines, le groupe nous sert une très belle cover du « Fu Manchu »de Desmond Dekker, avec un Bitty McLean des grands jours au chant, ou une appréciable version du « Napoleon Solo » de Lynn Taitt & The Jets, certes pas originale mais vraiment bien balancée. On notera enfin que Lee Thompson n’est pas un chanteur extraordinaire, et qu’il prend des risques à se frotter aux légendaires Blues Busters sur « Soon You’ll Be Gone », pas plus intéressante que ça, ou à John Holt sur « Ali Baba », sympathique, mais pas vraiment calibrée pour déplacer une foule en délire. Quant à la reprise d’ « Eastern Standard Time », elle est aussi inutile que peut l’être une reprise des Skatalites. On a déjà entendu ça cent fois, et si le groupe joue bien, très bien même, on se demande pourquoi il a été reprendre un morceau aussi connu, aussi classique, oserais-je dire aussi usé jusqu’à la corde, qu’il peut tenter de retourner dans tous les sens sans réussir à faire revenir Don Drummond pour lui donner sa bénédiction.

Avec « The Benevolence Of Sister Mary Ignatus », Lee Thompson et ses potes livrent un disque casse-gueule, car à trop vouloir assurer ses arrières en se contentant de reprendre les chansons des autres, le groupe prend le risque de la banalité, de la tiédeur et de la norme, de la belle norme certes, mais de la norme quand même, paradoxe d’un album sans surprise, mais néanmoins très agréable à écouter, et à réécouter.

Vince

 

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