Rude Boy Train

RUDE BOY TRAIN’S CLASSICS – PRINCE BUSTER-ROLL ON CHARLES STREET – ROCK-A-SHACKA

« Rude Boy Train’s Classics », c’est une série de chroniques d’albums qui ont marqué l’histoire du ska, du rocksteady ou du skinhead reggae. Standards objectifs reconnus par le monde entier ou chefs d’oeuvre personnels qui hantent nos jardins secrets, la rédac’ de Rude Boy Train vous fait découvrir ou redécouvrir ces albums majeurs qui méritent d’avoir une place de choix sur vos étagères ! 

UN PEU (BEAUCOUP) D’HISTOIRE : A-t-on besoin encore ici de présenter Prince Buster ? Cecil Bustamente Campbell de son vrai nom, après avoir trainé pas mal avec des bandes de son quartier, se met à la boxe et se trouve embauché comme videur par Coxsone Dodd, pour lequel il détectera ensuite les bons titres avant de finir «selector » derrière les platines. Il se lance solo dès 57 en ouvrant son premier magasin de disques, et quitte Coxsone pour monter son propre sound system, « Voice Of The People », basé sur Charles Street. En parlant au-dessus de ses galettes, il devient un des précurseurs du DJing.

Dans la guerre des sounds, comme ses farouches concurrents, et après avoir été pêcher ses disques aux Etats Unis, il se lance dans l’enregistrement de ses propres titres, avec « Oh Carolina » par les Folkes Brothers en 1960. Excellent chanteur, il enregistre une tripotée de hits, accompagné du groupe de Baba Brooks ou bien des Skatalites, et produira un nombre impressionnant d’artistes dont Derrick Morgan, Owen Gray, Stranger Cole, Don Drummond, Tommy Mc Cook ou bien encore les Maytals.

Il sera l’instigateur de nombre de label comme « Prince Buster Voice of the People », « Wild Bells », « Buster Record Shack », « Soulville Center » ou bien encore « Islam ».

Mais avec ses titres teintés d’humour noir, voire parfois d’un sexisme certain, il fût surtout un des premiers à exporter sa musique, notamment en Angleterre où il s’associe avec le Label Blue Beat. Son titre « Al Capone » qui sera repris plus tard par les Specials sous le titre « Gangsters » est d’ailleurs un des premiers titres purement Jamaïcain à marcher sérieusement en Grande-Bretagne.

Avec ses Busters All Stars, il tourne par le monde pour propager sa musique, notamment lors de grosses tournées avec Jimmy Cliff ou Delroy Wilson aux USA, et en devient une des stars, passant par exemple à la télé Britannique lors de sa tournée de 1965.

On vous passera la liste impressionnante de ses hits, de « One Step Beyond » en passant par « Madness », « Hard Man Fe Dead », « Judge Dread » en duo avec Lee Perry ou bien encore Whine And Grine » dont une version remixée fût utilisée par Levi’s comme musique de pub dans les années 90.

Il produit encore, dans les années 70, pas mal de hits reggae pour The Heptones, Alton Ellis, Dennis Brown, Big Youth ou bien Dennis Al Capone, continuant lui aussi à chanter des titres aux paroles encore plus salaces, à la mode Slack dont il est considéré comme l’instigateur, mais peu en accord avec sa récente conversion à l’islam… Il disparut alors petit à petit des écrans radar avant de revenir se produire à de rares occasions sur des gros évènements au début des années 2000.

Toujours est-il qu’entre ses débuts de petite frappe, ses combats pour s’imposer dans la guerre des sound-systems sa conversion à l’islam (il se fit appeler Mohamed Yusuf Ali) après sa rencontre avec le boxeur Mohamed Ali, Prince Buster est bien un des plus complexe et talentueux artiste de toute l’histoire de la musique jamaïcaine.

LE DISQUE : On n’a pas eu, pour une fois, à sortir des fonds de tiroir un disque poussiéreux pour cette classic de Rude Boy Train. En effet, grâce a un nouveau travail de fourmi du label Nippon Rock-A-Shacka, c’est d’un disque tout chaudement sorti en décembre de l’année dernière dont nous allons vous parler. Car ce label a le bon goût d’exhumer et de compiler luxueusement des vieux titres sortis bien souvent d’on ne sait où.

C’est le cas avec ce formidable « Roll On Charles Street » tout dédié aux productions du grand Prince Buster, période 61-66, avec son lot habituel de titres rares et de versions alternatives des plus grands crus.

Difficile de se passer de superlatifs à l’écoute d’un titre jazzy aussi finement composé et interprété que ce « Pink Night », finalement très proche des inspirations ricaines de Buster.

Le ska pointe le bout de son nez dès le deuxième morceau avec « Hey Train », incroyablement familier pour un titre annoncé comme « unreleased ». Faut dire que c’est la version d’un gros classique de Duke Ellington et, qui plus est, repris avec pas mal de talent en 98 par K2R Riddim sur son premier album.

La première face propose ensuite trois merveilles de ska-jazz soyeux, dont « Raining Outside » du trompettiste Raymond Harper, avec deux solos fabuleux de Roland Alphonso et Baba Brooks, tout deux omniprésents sur cette compil’. Les deux autres pépites sont d’ailleurs au crédit du sax du grand Roland, avec « Almost Like Being In Love », mais surtout avec le divin, n’ayions pas peur des mots, « Roll On Charles Street ». Sur a peine trois minutes d’une rythmique soutenue aux cuivres, le chorus déliceusement feutré fait grand effet et les solos s’en échappent comme de véritables lapins d’un chapeau de Garcimore.

Quand on retourne la galette, on se prend pleine face la paire « Charles Street Cowboy » / « Prince Of Peace », ici proposée dans une version alternative 100% instru sans le chant du Prince. Dans les deux cas les rythmiques sont lourdes avec une basse sombre et puissante. Sur le premier, c’est la guitare qui prend le devant de la scène, souligné de quelques notes de cloches, rares mais essentielles. Sur le second, c’est bien sûr le lourd duo piano/basse, hypnotique, qui assure la mesure… Là-dessus, ça débourre du solo impérial a tout va, pour un des monuments de la musique Jamaïcaine.

On ne voit apparaitre réellement Prince Buster que sur « Rude Rude Rudie », sous-titrée « Don’t Throw Stones », une grosse version ska de « Perhaps, Perhaps » sur laquelle il se contente de scander le titre et de quelques percus vocales malgré tout bien senties

Derrière deux gros gros Don Drummond viennent clore en beauté cette première galette essentiellement instrumentale : « Sudden Attack » et « Vietnam » tout aussi fameux l’un que l’autre avec des lignes rythmiques implacables, des chorus originaux et forcement les solos qui vont bien.

Le second LP de la compil est lui tout dévoué aux chansons, et là encore, c’est de la grosse régalade. Si Prince Buster avait commencé comme DJ, il est aussi un formidable chanteur comme le prouve le classique « High Blood Pressure », intemporel ! « Raindrops Falling » derrière a étrangement la même intro de cuivre, mais le ska porté par le duo Derrick and Patsy est beaucoup plus enlevé.

Enorme n’est pas trop fort pour désigner « Stir The Pot » qui suit, chanté a quatre voix, Derrick et Patsy, toujours, Eric Morris et le Prince himself… Sur un rythme gravement assuré par les cuivres, les harmonies vocales sont superbes.

Que dire alors de la version ska originale des Spanish Town Skabeats du « Stop That Train » popularisé ensuite par Keith and Tex en version rocksteady… Une pêche énorme, une instru tonitruante sur laquelle les deux voix féminine et masculine s’entrelacent voluptueusement, un régal. Cette première face se conclue par « Islam » un Burru hypnotique sur lequel Prince Buster dévoile une de ces nombreuses facettes en scandant tel un shaman un texte incandescent précurseur de l’émergence rasta… « Africa is calling, do you not want to go ? »

Sur le verso, ça continue d’enfiler les perles, avec le délicieux « I Won’t let You Cry » par le Prince, impeccable au chant ou le bien balancé « Only Soul Can Tell » au sax discret et à l’interprétation parfaite de Slim Smith.

Un beau titre soul, pour varier les plaisirs, avec « I’m sorry », superbe, une reprise latino de « Summertime », goulayante, pour brouiller les pistes et un final en reprise ska du tube « My Girl » nommé ici « Sunshine with My Girl » viennent achever le formidable ouvrage d’archive des gars de Rock-A-Shacka !

20 titres, 20 bombes démontrant l’extraordinaire talent de Prince Buster, voilà bien qui méritait bien le retour des classics de Rude boy Train !

Bronsky

 

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